À Kati, chez les habitués des coups d'État
3 septembre 2020Installée en plein cœur du marché central de Kati, Djénéba Djaradié, commerçante, ne s’imaginait sans doute pas qu’elle devrait abandonner son stand le 18 août dernier au matin.
"Nous avons fermé boutique pour rentrer à la maison afin d’éviter les balles perdues.
Certaines ont gardé leur sang-froid, tandis que d’autres sont parties en laissant leurs affaires. On avait surtout peur des balles perdues. C’est ensuite que l’on est revenue prendre nos affaires", raconte la commerçante.
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Les balles perdues dont elles parlent sont celles tirées depuis le camp militaire Soundiata Keita, non loin de là. Un coup d’Etat était en cours. Ma Koné, marchande de beurre de karité, le savait déjà.
"Les informations nous sont venues du camp. Les femmes des militaires, qui tiennent un marché là-bas, nous ont prévenues que ça tirait et qu’elles avaient plié bagage. Avant que les choses ne reviennent à la normale", explique la marchande de beure de karité.
Cette figure du marché native de Kati s’en amuse. Elle en est à son quatrième coup d’Etat, en 52 ans.
"Les autres coups d’Etat ont été très violents, il y avait des blessés, c’était vraiment compliqué. Alors que cette fois-ci, en une journée c’était terminée", ajoute-t-elle.
Car c’est bien d’ici que partent tous les coups d’Etat malien. De ladite "ville garnison" de Kati, Modibo Keïta, Moussa Traoré, Amadou Toumani Touré et désormais Ibrahim Boubacar Keïta : tous ont subi le courroux de cette commune où militaires et civils font quasiment partie de la même famille.
Si bien qu’une habitude s’est installée, une routine aussi, et les événements du mardi 18 août dernier sont bien loin d’avoir effrayé les Katois. A l’image de Mocktar Haidara, 70 ans, qui a suivi le déroulé de la journée à la télévision.
"Généralement, avec les quatre coups d’Etat, le plus souvent ce sont les coups de fusil qui retentissent au camp. Que l’on ressent ici. Ce qu’on craint ce sont les balles perdues. A part lors du quatrième coup d’Etat, c’était la chasse à l’homme dans les rues, ce qui faisait peur", se souvient le septuagénaire.
Et bien loin des atrocités qui ont eu lieu non loin de là en 2012, la vie à Kati à vite repris son cours, avec toujours la même espérance : pourvu que ce soit le dernier.