30 ans de réunification de l'Allemagne : l'Est à la traîne
2 octobre 2020En ces temps de pandémie de coronavirus, l'Allemagne célèbre discrètement ce samedi (03.09.2020) les 30 ans de sa réunification. Principale question au menu : comment le pays a-t-il pu corriger en trente ans les inégalités entre les habitants de l'Est et leurs compatriotes de l'Ouest ? Si des efforts ont été faits dans certains domaines, de nombreux chantiers demeurent avec le risque que l'extrême droite tire bénéfice de la déception à l'Est.
Des inégalités ont disparu
Parmi les points de comparaison, 30 ans après la réunification, il y a l'âge de la maternité. À l'Est ou à l'Ouest, les femmes ont leur premier enfant en moyenne à l'âge de 30 ans. Il n'y a donc plus de différence car il y a trente décennies, l'âge moyen était de 27 ans en Allemagne de l'Ouest et de 24 ans en Allemagne de l'Est.
Cela fait partie des indices qui permettent à Marco Wanderwitz, le Commissaire fédéral chargé des régions de l'ex-Allemagne de l'Est, de tirer la conclusion que "l'Allemagne s'est à bien des égards débarrassée de ses inégalités depuis 1990. On peut le constater du point de vue des situations familiales, des activités de loisirs, des horaires de travail, la vie associative. On a clairement plus de points communs que de points qui nous séparent".
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Tout n'est pas rose
Pourtant, le tableau est moins rose, selon le rapport annuel présenté mi-septembre sur l'état de l'unité allemande.
Ainsi, les cinq états du bloc de l'Est qui ont rejoint l'Allemagne de l'Ouest lors de la réunification ont une économie plus faible. De même, 89% des revenus se situent en dessous du niveau de l'Allemagne de l'Ouest.
La promotion des investissements dans des secteurs comme la mobilité et l'intelligence artificielle pourrait combler ce déficit, en maintenant sur place les jeunes qui migrent vers l'Ouest à la recherche d'emplois plus rémunérateurs.
Un autre chantier est, selon l'écrivain Ingo Schulze, originaire lui aussi de l'Est, la promotion de l'élite économique de cette partie du pays qu'il regrette de voir encore dominée par les cadres de l'Ouest. Pour lui, "cette adhésion démocratiquement décidée était une sorte de colonisation de luxe parce que l'Ouest était complètement intégré. Et cela s'est bien entendu également exprimé dans les fonctions de qualification pourvues par l'Ouest. Et c'est quelque chose qui continue à ce jour".
Des défis à relever
Malgré les critiques concernant les inégalités qui persistent, la réunification est encore perçue, 30 ans plus tard, comme une évolution positive qu'il appartient aux acteurs politiques et à la société allemande d'entretenir.
Car si l'extrême droite voit sa popularité croître dans toute l'Allemagne, cela est encore plus marqué dans les régions de l'Est où une partie de la population doute encore des bénéfices de la démocratie.
Mais Frank Bösch, directeur du Centre Leibniz pour la recherche historique à Potsdam apporte une nuance. Il estime en effet, que "depuis un certain temps, l'AfD (Alternative pour l'Allemagne, ndlr) est devenue très forte à l'Est. Mais ce n'est pas un pur phénomène de l'Est. Les partis populistes de droite sont d'abord apparus à l'Ouest, y ont connu des succès, puis ont migré vers l'Est. Et dans certaines parties de la République fédérale, en particulier dans le Sud aisé, dans le Bade-Wurtemberg et en Bavière, ils ont aussi un grands succès".
Selon un sondage réalisé pour l'Agence de presse allemande DPA, plus de deux tiers des Allemands estiment que la réunification n'est pas encore achevée en Allemagne. Dans les Länder de l'ex-RDA, le pourcentage est même de 83%. Il reste encore du chemin à parcourir, y compris dans les têtes.