Allemagne-Chine : les droits de l’homme, mais pas trop
29 avril 2021Ce nouveau round de consultations intergouvernementales sino-allemandes, le sixième, devait se dérouler en Chine. La chancelière Angela Merkel voulait s’y rendre avec plusieurs de ses ministres.
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La pandémie en a décidé autrement et les discussions se sont déroulées ce mercredi (28.04.21) par écrans interposés avec, comme l’écrit la Süddeutsche Zeitung, "en fond d’écran de fortes tensions entre la Chine et l’Occident."
Et ces différents ont notamment concerné la question des droits de l’homme, un sujet qui exige régulièrement des capacités d’équilibristes pour tout pays qui veut faire des affaires avec la Chine sans vouloir ignorer les atteintes aux libertés pratiquées par Pékin.
Dans son discours d’ouverture du sommet, Angela Merkel a ainsi pointé du doigt la situation à Hong Kong, où l’influence politique grandissante de Pékin, le musèlement de la démocratie et le tour de vis sécuritaire imposé au territoire semi-autonome inquiètent les pays occidentaux.
"Aborder des thèmes difficiles et jouer carte sur table fait aussi partie d’un partenariat", a estimé la chancelière. "Nous avons jusqu’à présent toujours réussi à aborder ces thèmes. Je souhaite que nous puissions très bientôt à nouveau mettre en route le dialogue sur les droits de l’homme."
Le sort des Ouïghours
Au-delà du cas de Hong Kong, le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, a évoqué le sort de la minorité musulmane des Ouïghours, persécutée par le pouvoir dans la province autonome du Xingjiang, à l’ouest de la Chine.
Près d'un million de Ouïghours seraient selon les Nations unies détenus dans des camps dits "de déradicalisation" ou des rescapés et des ONG dénoncent l’usage de la torture, le travail forcé et l’endoctrinement des prisonniers.
L’Union européenne avait décidé il y a environ un mois de prendre des sanctions contre des responsables de cette région. La réponse chinoise ne s’était pas fait attendre. Pékin a aussitôt sanctionné une série d’organisations européennes et interdit d’entrée sur son territoire une dizaine de personnalités.
Parmi elles se trouve l’eurodéputé allemand Reinhard Bütikofer, qui est en charge des relations avec la Chine au Parlement européen, mais aussi le chercheur allemand Adrian Zenz, à l’origine de rapports accusateurs sur la situation des Ouïghours.
Intérêts économiques
Ce mercredi, le Premier ministre chinois Li Keqiang a appelé Berlin à éviter toute "interférence non nécessaire". Pour lui, le principe de "non-ingérence dans les affaires intérieures" est la condition d’une "coopération et d’un dialogue sans frictions".
Cette coopération se joue avant tout sur le plan économique. Selon le ministère allemand de l’Economie, la Chine a été en 2020 pour la cinquième année consécutive le plus gros partenaire commercial de l’Allemagne dont le modèle économique repose sur sa capacité à exporter.
Le volume des échanges commerciaux entre les deux pays a représenté l’an dernier 212 milliards d’euros.
Li Keqiang n’a pas manqué de souligner que ces échanges bilatéraux avaient continué à progresser malgré la pandémie.
Fin d’une ère
De son côté, Angela Merkel, a rappelé la signature fin 2020 d’un accord d’investissements entre l’Union européenne et la Chine, censé offrir aux entreprises européennes un accès plus transparent au marché chinois.
Il doit aussi rétablir la confiance, alors que la Chine est régulièrement accusée de pratiquer l’espionnage industriel. Cet accord n’est pour le moment que politique, il doit encore passer par le Parlement européen.
Pour Angela Merkel, qui va quitter son poste de chancelière en septembre prochain, il s’agissait de la dernière consultation intergouvernementale avec la Chine.
Ce format de discussion réunissant les ministres des deux pays avait été lancé en 2011. Angela Merkel a salué "une bonne tradition" et dit espérer "que ce ne seront pas les dernières consultations intergouvernementales entre la Chine et l’Allemagne".