Allemagne : de "petites" élections avant les "grandes"
15 mars 2021Hier [14.3.21], deux des seize Länder allemands ont organisé des élections régionales : la Rhénanie-Palatinat et le Bade-Wurtemberg.
Dans ces deux régions, les gouvernants sortants sont reconduits mais les alliances qu'ils choisiront auront sans doute des répercussions au niveau fédéral car au mois de septembre se tiendront en Allemagne des législatives qui marqueront la fin des 16 ans à la chancellerie d'Angela Merkel.
Prime aux sortants ?
En Rhénanie-Palatinat, la cheffe de région sociale-démocrate, Malu Dreyer, a été réélue. Elle compte reconduire la coalition sortante du SPD avec les écologistes et les libéraux du FDP.
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Dans le Bade-Wurtemberg, les Verts arrivent en tête (32,6%), suivis de la CDU (24,1%), du SPD (11%), du FDP (10,5%) et de l'AfD (9,7%).
Dans ce Land, le ministre-président sortant devrait donc lui aussi rester aux manettes. Il s'agit de l'écologiste Winfried Kretschmann. Mais là, les résultats sont moins nets et plusieurs possibilités d'alliances se présentent aux Verts : soit ils reconduisent leur coalition avec les chrétiens-démocrates de la CDU, soit ils misent uniquement sur les sociaux-démocrates du SPD, soit ils optent pour un trio, une "coalition tricolore", avec le SPD et les libéraux du FDP.
Enjeux nationaux
L'Allemagne suit avec attention les pourparlers politiques qui ont cours dans le Bade-Wurtemberg et la Rhénanie-Palatinat : dans six mois, les Allemands votent pour renouveler le Bundestag et ces deux premiers scrutins régionaux font office de test en miniature des rapports de force.
En Rhénanie-Palatinat, le SPD enregistre un succès avec 35,7% des voix (selon les résultats officiels mais encore provisoires), devant la CDU (27,7%), puis les Verts arrivent en troisième place (9,3%) et le FDP culmine à 5,5% des suffrages exprimés.
Défaite pour la CDU
Le score des conservateurs marque une défaite historique pour la CDU dans la région du Bade-Wurtemberg. Le parti d'Angela Merkel souffre sans doute de sa gestion de la crise sanitaire qui ne convainc pas et "l'affaire des masques" lui a nui.
Cette affaire a en effet contraint ces dernières semaines plusieurs députés conservateurs à démissionner car ils étaient soupçonnés d'enrichissement illicite pour avoir monnayé leur médiation dans l'achat de masques anti-Covid-19 par les pouvoirs publics.
Réaction, dès hier soir, de la candidate CDU battue dans le Bade-Wurtemberg, Susanne Eisenmann :
"Pour la CDU, ce résultat est décevant et désastreux. J'en prends la responsabilité comme candidate."
Le SPD espère en tirer avantage
La victoire du SPD en Rhénanie-Palatinat est essentiellement due à la popularité de la ministre-présidente Malu-Dreyer qui a réussi à faire campagne sans miser sur le soutien de son parti au niveau national.
Le SPD a du mal à capitaliser sur le renouveau ou le changement après l'ère Merkel : le parti cogouverne avec les conservateurs au sein du gouvernement fédéral – difficile de se camper en alternative d'opposition dans ces conditions.
Les Verts confortés
Les écologistes peuvent se lancer confiants dans la campagne pour les législatives, forts de leurs résultats au niveau régional et de leur capacité à s'allier à droite (CDU-CSU) comme à gauche (SPD) pour assurer des majorités stables dans les assemblées.
Pour Robert Habeck, coprésident, c'est un "super démarrage dans une super-année électorale". Devant la presse, le responsable politique résume ainsi la situation :
"La CDU a perdu, le SPD stagne et les Verts remportent une victoire dans une situation sociale particulière. Ceci est le signe que les gens nous accordent des responsabilités, des mandats, et que particulièrement aujourd'hui, les électeurs nous font confiance."
FDP en hausse, AfD en berne
Pour le FDP, ces deux scrutins marquent un rebond après une baisse de régime et les libéraux pourraient tenter de se repositionner d'ici septembre comme le principal parti d'opposition, même s'il a perdu son statut de "faiseur de roi" au profit des écologistes.
A l'extrême-droite, l'AfD est représentée dans les deux assemblées régionales mais elle misait sur de meilleurs résultats après son score triomphal aux législatives de 2017. Les dirigeants du parti expliquent leur échec relatif par la crise sanitaire qui amène les électeurs à souhaiter stabilité et continuité.
En réalité, l'AfD est déchirée par plusieurs courants en interne et fait mauvaise figure depuis son placement sous surveillance par les services de renseignement. Par ailleurs, aucun autre parti ne se déclare prêt à faire alliance avec elle au niveau national.
Die Linke en queue de peloton
Pour finir, la grande perdante de ces deux votes, c'est l'extrême gauche puisque dans aucun des deux Länder Die Linke ne parvient à dépasser la barre des 5% qui est la condition pour avoir des élus au Parlement régional.