L'Allemagne doit-elle assouplir son frein à l'endettement ? / Sécheresse record en Amazonie
Coup de tonnerre la semaine dernière à Karlsruhe : la Cour constitutionnelle a considéré que le gouvernement d'Olaf Scholz avait enfreint les règles budgétaires en réaffectant à un fonds "climat et transformation" 60 milliards d'euros initialement destinés à la lutte contre le coronavirus.
Les juges de Karlsruhe ont jugé que cela était "incompatible avec la Loi Fondamentale"... et notamment avec le "frein à l'endettement" inscrit dans la constitution allemande depuis 2009.
Le frein à l'endettement, une règle d'or
Mais c'est quoi, au juste, le "frein à l'endettement" (Schuldenbremse en allemand) ? Eh bien il s'agit d'un mécanisme qui limite les emprunts de l'Etat à 0,35% du produit intérieur brut chaque année.
Cette "règle d'or", qui a permis à l'Allemagne d'être en équilibre budgétaire - et même en excédent - pendant plus de dix ans, avait été adoptée dans un contexte bien particulier, comme le rappelle Stefan Seidendorf, de l'Institut franco-allemand.
"C'est une chose qui était discutée depuis longtemps en Europe, dans le cadre de la crise de l'euro et de la dette (...) L'Allemagne est peut-être le pays qui a le plus érigé ce dispositif en fétiche, car c'est un pays qui a une population vieillissante et la question se posait avec acuité de savoir qui allait rembourser la dette potentielle de ces générations âgées qui ne sont plus en mesure de créer de la richesse mais qui vont consommer. C'est pour cela que cela a pris une telle importance politique en Allemagne."
Des exceptions en cas de crise
Ne pas peser sur les générations futures, en voilà une noble idée. Sauf que du côté des détracteurs du frein à l'endettement, on fait valoir que sans investissements, on risque aussi de pénaliser les prochaines générations. D'autant que près de quinze ans après l'introduction de la règle d'or, le contexte a changé.
Entre 2020 et 2022, l'Allemagne a exceptionnellement suspendu le frein de l'endettement. D'abord à cause de la crise du coronavirus : des fonds d'urgence ont été débloqués pour protéger la population et soutenir une économie qui risquait de s'effondrer.
Ensuite pour faire face aux conséquences de la guerre de la Russie en Ukraine, notamment sur l'approvisionnement énergétique. Mais c'était exceptionnel, souligne Stefan Seidendorf.
"On peut déclarer politiquement qu'il y a une urgence, par exemple par rapport à la guerre en Ukraine ou du Covid qui permet de s'endetter davantage et de ne pas tenir compte de ce frein à l'endettement. Mais évidemment on ne peut pas tout le temps et pour toute cause évoquer une urgence."
Une orthodoxie budgétaire obsolète
Ces derniers jours, les appels à assouplir le mécanisme se multiplient, notamment de la part des syndicats et du parti social démocrate du chancelier Olaf Scholz, comme du parti des Verts... mais aussi dans les hautes sphères de l'économie.
Monika Schnitzer, présidente des "sages de l'économie", a ainsi estimé qu'on pourrait justifier une nouvelle suspension par les conséquences de la crise énergétique. Car la suspension du frein à l'endettement nécessite une crise "concrète".
Mais le ministre des Finances, Christian Lindner, semble pour l'instant camper sur sa posture de gardien du trésor. Marie-Florence Mahwera est co-présidente des Femmes libérales, une organisation proche du FDP. Elle ne partage pourtant pas l'orthodoxie budgétaire du ministre libéral.
"C'est un bon instrument si tout va bien, si tout est comme dans la théorie. Mais la réalité est différente. On a vécu cette différence de réalité depuis 2020, avec la crise du coronavirus. Pour faire les investissements nécessaires et dans le contexte des crises actuelles, je pense qu'il faudra prioriser les choses et être moins orthodoxe sur le frein de la dette."
Un trou de 60 milliards d'euros à combler
Depuis le jugement de Karlsruhe, de nombreux projets d'investissement dans le domaine énergétique sont sur la sellette. La réaffectation des 60 milliards d'euros du fonds Covid devait en effet servir à financer des projets comme la rénovation énergétique de bâtiments ou encore la production d'énergie verte à base d'hydrogène.
Des projets pour l'instant gelés, en attendant de trouver une solution. Le trou de 60 milliards risque-t-il de faire éclater la coalition ? L'avis de Stefan Seidendorf, de l'institut franco-allemand :
"On parle déjà, encore à voix basse, d'un changement de coalition (...) ce serait très coûteux pour les libéraux et pour les Verts. On y est presque. Evidemment il y a les milieux économqiues, les grandes entreprises qui vont se faire entendre. On verra si le FDP pourra faire la sourde oreille et ne pas tenir compte de ce que diront les PME allemandes."
Le gouvernement allemand s'est engagé à atteindre 80% d'électricité produite à partir de sources renouvelables d'ici à 2030. Des investissements massifs sont donc nécessaires si l'Allemagne veut espérer atteindre son objectif climatique.
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