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Réduire les inégalités, ça commence dès l'enfance // La rue la plus célèbre du Canada

Vu d'Allemagne
3 novembre 2022

Alors que les inégalités se creusent en Allemagne, un projet pilote est mené à Gelsenkirchen pour renforcer les talents des enfants avant leur entrée à l'école. // A Montréal, le boulevard Saint-Laurent ou "Main" est une frontière mythique entre la partie francophone et anglophone de la ville.

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Six enfants courent dans le gymnase d'une garderie de Gelsenkirchen. Hermine et Thalia escaladent les barreaux de l'espalier pour atteindre un tobogan et glisser à toute allure avant de repartir pour un tour.

D'autres enfants rampent ou essaient de garder l'équilibre sur une corde tendue, ils s'entraînent à sauter, lancer des ballons ou slalomer à travers un parcours d'obstacles, tous très concentrés sur leur exercice.

Farzana Mecklenbrauck, éducatrice, rassemble les enfants autour d'elle. Elle leur demande si les activités leur ont plu. La réponse est sans appel : "Bien, bien !"

L'éducatrice Farzana Mecklenbrauck au milieu d'un groupe d'enfants
Farzana Mecklenbrauck accompagne les enfants qui vont entrer à l'école primaireImage : Andrea Grunau/DW

Renforcer les enfants et éveiller les talents

La gymnastique n'est qu'une des nombreuses activités proposées aux enfants de cinq ans qui entreront à l'école l'année prochaine à Gelsenkirchen, une ville située dans l'ancien bassin minier de la Ruhr, dans l'ouest de l'Allemagne.

Farzana Mecklenbrauck s'occupe des enfants dans le cadre du projet pilote ZUSi - "Zukunft früh sichern" ("Assurer tôt l'avenir"). 

Sept kitas du quartier d'Ückendorf (les kitas sont l'équivalent des écoles maternelles qui n'existent pas ou peu en Allemagne, ndlr) sont associées à ce projet, développé pour lutter contre les conséquences de la pauvreté. 

La pauvreté dont il s'agit n'est pas uniquement matérielle. Ce sont aussi des barrières culturelles comme le manque de connaissances de la langue allemande, ainsi que des handicaps sociaux, sanitaires ou éducatifs. 

Comme d'autres villes de la Ruhr en reconversion structurelle, Gelsenkirchen lutte depuis de nombreuses années contre une pauvreté infantile particulièrement élevée. Fin 2021, 40 % des moins de 15 ans vivaient dans des familles qui touchent des aides sociales.

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Sebastian Gerlach, coordinateur du projet ZUSi à GelsenkirchenImage : Andrea Grunau/DW

Sebastien Gerlach est coordinateur du projet ZUSi pour Gelsenkirchen:

"De nombreuses études soulignent la corrélation entre la pauvreté matérielle et les difficultés d'accès à l'éducation. Ce que nous essayons de faire ici, c'est de préparer les enfants à démarrer le mieux possible dans le système éducatif, indépendamment de leur biographie et de leur potentielle pauvreté matérielle, pour que le passage à l'école primaire fonctionne aussi bien pour tous."

De nombreux habitants du quartier d'Ückendorf travaillaient jadis dans les mines. Aujourd'hui, une partie d'entre eux vit dans la pauvreté, mais d'autres familles s'y sont installées qui n'ont pas de problèmes d'argent.

Sept enfants sur dix concernés par la pauvreté à Ückendorf

Environ sept enfants sur dix (de moins de neuf ans) vivent dans des familles d'origine immigrées. Ils sont particulièrement menacés par la pauvreté, tout comme les enfants élevés par des parents seuls ou les familles de trois enfants et plus. 

Lorsque le projet ZUSi a démarré, les enfants de familles pauvres atteignaient seulement 50 % des capacités correspondant à leur âge. Depuis, tous les enfants, qu'ils viennent de familles pauvres ou non, profitent des mesures éducatives. Il y a des visites à la ferme, des ballades guidées en forêt, des rencontres avec des artistes, la découverte d'instruments de musique, mais aussi des expériences avec le courant, le magnétisme ou les volcans... Bientôt, les enfants découvriront le théâtre et apprendront à faire du vélo.

Une école primaire de Gelsenkirchen Ückendorf
Les enfants en dernière année de kita connaissent aussi l'école primaire du quartier où ils iront l'année prochaineImage : Andrea Grunau/DW

Les enfants en âge pré-scolaire vont visiter l'école primaire du quartier pour apprendre à ne pas en avoir peur. Ils participent aussi régulièrement à des séances de résilience, pour parler de leurs sentiments et renforcer leur confiance en soi. Et apprennent à mieux gérer les conflits et à s'appuyer sur leurs succès pour progresser. Derrière toutes ces activités, Sebastian Gerlach souligne l'enjeu du projet à long terme: 

"L'objectif de tout cela est vraiment de voir comment nous pouvons développer des structures pour que tous les enfants aient les mêmes chances et soient aussi bien préparés que possible à aller à l'école, indépendamment de leur bagage initial. C'est l'objectif global et en même temps il s'agit de s'éloigner du regard porté sur les déficits vers un autre concentré sur les talents, les forces, les intérêts des enfants. Et de ne pas laisser le tout s'évaporer quand la maternelle est terminée mais de transmettre ces informations à l'école primaire."

Entendre pour la première fois des compliments sur ses enfants

Hermine a développé son talent artistique, un de ses tableaux est présenté dans une petite exposition. Younès a construit un tambour à main et adore danser. Quand il en parle, il ne peut pas s'empêcher de faire quelques pas de danse. Thalia, quant à elle, confie qu'elle aime l'escalade et le dessin.

Le projet ZUSi est très bien accueilli par les parents, qui entendent parfois pour la première fois des compliments sur leurs enfants. "J'ai vu des mères pleurer car elles n'avaient pas entendu des choses aussi positives depuis longtemps", confie Jessica Stettinus, du service scolaire social de Gelsenkirchen.

Deux mères d'enfants qui bénéficient du projet ZUSi
Zahia Bourezg (à gauche) et Janet Janßen se réjouissent de voir leurs enfants s'épanouir grâce au projet ZUSiImage : Andrea Grunau/DW

Zahia Bourezg vient d'Algérie, son mari est arrivé il y a de nombreuses années d'Irak en Allemagne. Leur fille aînée, Lina, participe au projet ZUSi depuis ses quatre ans, elle est aujourd'hui en deuxième classe, l'équivalent du cours élémentaire primaire. Lara, leur cadette, profite désormais elle aussi des activités du projet ZUSi à la kita. Et cela fait du bien à toute la famille, raconte Zahia Bourezg:

"Il y a des livres dans plusieurs langues: français, anglais, arabe. Nous apprenons ensemble. Par exemple ma fille lit une page en allemand et moi en arabe et mon mari dans une autre langue. Et nous lisons cette histoire assis tous ensemble, c'est très... très bien."

Pérenniser le projet, un défi dans un pays pourtant riche

Le projet mené dans les sept kitas de Gelsenkirchen doit prendre fin en mai 2023, l'accompagnement des élèves de primaires a encore deux petites années devant lui. Mais les résultats de ZUSi doivent être pérennisés, estime Irina Volf, chercheuse sur la pauvreté à l'institut de travail social et pédagogique (ISS). Elle a accompagné le projet sur le plan scientifique et voit dans les résultats la preuve qu'il faut encourager les enfants pour développer leurs talents.

"L'Allemagne, en tant que pays riche, devrait avoir un intérêt primordial à permettre aux enfants de notre pays de vivre dans le bien-être et de devenir des citoyens adultes avec de nombreux talents, de nombreuses capacités et compétences."

Irina Volf, chercheuse sur la pauvreté à l'Institut ISS
Irina Volf s'indigne de voir qu'un pays aussi riche que l'Allemagne n'est pas capable de préparer tous les enfants à un avenir digneImage : Privat

Sur dix enfants qui jouent sur un terrain de jeux en Allemagne, deux d'entre eux sont touchés ou menacés par la pauvreté, selon les statistiques. Un enfant sur cinq sur le plan national, mais plus du double à Gelsenkirchen-Ückendorf. Alors même si les enfants pauvres de Gelsenkirchen ne doivent pas vivre dans la rue ou travailler pour survivre, leurs chances de sortir de la pauvreté à l'âge adulte sont déjà réduites avant même qu'ils entrent à l'école. Et cela révolte Irina Volf.

"Il est vraiment honteux qu'un pays aussi riche que l'Allemagne ne puisse pas exploiter et développer autant de talents parce qu'on ne les reconnaît pas à l'heure actuelle chez les enfants touchés par la pauvreté. Chaque enfant a droit à l'éducation. Chaque enfant a du talent et chaque enfant devrait pouvoir développer ses talents et avoir plaisir à le faire."

Les enfants du projet ZUSi, Hermine, Thalia et Younes, se réjouissent d'entrer bientôt à l'école. Leurs parents espèrent que le projet sera reconduit, d'autant plus que le nombre de familles pauvres risque d'augmenter ces prochaines années, avec les suites de la pandémie et la hausse généralisée des prix.

Un reportage d'Andrea Grunau

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La Main, une frontière plus mythique que réelle à Montréal

Des personnes attendent au feu au croisement de la rue Sainte-Catherine et de la Main à Montréal
Au croisement de la rue Sainte-Catherine et du mythique boulevard Saint-LaurentImage : Alexis Gacon/DW

Le boulevard Saint-Laurent, ou la Main, comme on l'appelle aussi à Montréal, est peut-être la rue la plus connue du Canada. Un axe nord-sud tour à tour patrimonial, festif et ô combien symbolique, puisqu'il divise la ville en deux, entre l'est et l'ouest. 

Historiquement, l'est de la ville est francophone, l’ouest préfère la langue de Shakespeare. Mais est-ce vraiment une frontière ? Ou n'est-ce pas aussi une rue symbole d’une ville accueillante, puisque les communautés juives, italiennes, portugaises, grecques, se sont toutes établies sur le boulevard Saint-Laurent, avant de s'en aller ? Alexis Gacon est allé arpenter la Main pour Vu d'Allemagne, voici son reportage...

 

Vu d’Allemagne est un magazine radio hebdomadaire, proposé par Hugo Flotat-Talon et Anne Le Touzé, diffusé le mercredi et le dimanche à 17h30TU, et disponible aussi en podcast. Vous retrouvez tous les numéros dans la médiathèque, à écouter en ligne ou à télécharger en format MP3. Le podcast est également disponible sur certaines plateformes de podcasts.

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Politique, économie, histoire... Vu d'Allemagne est un podcast hebdomadaire sur l'Allemagne, avec un grand reportage international en seconde partie d'émission.