Au Tchad, l'opposition dénonce un Déby en "pré-campagne"
24 février 2021Au Tchad, alors que le démarrage de la campagne pour la présidentielle d’avril est prévue le 11 mars prochain, l’opposition accuse le parti au pouvoir d’être déjà en campagne. Celle-ci dénonce l’affichage de portraits géants du chef de l’Etat sur des panneaux publicitaires, ainsi que la création de bureaux de vote avant la date officielle de la campagne, ce qui constituerait une violation du code électoral. Des accusations que rejette le parti au pouvoir, le Mouvement patriotique du salut (MPS).
Le code électoral tchadien stipule que la campagne est déclarée ouverte 30 jours francs avant l’élection présidentielle et que celle-ci prend fin 24 heures avant la date d’ouverture du scrutin. Nul ne peut donc faire campagne en dehors de ces périodes.
Affiches et drapeau à la gloire du MPS...
Mais pour Brice Mbaïmongue, le président du Mouvement des patriotes tchadiens pour la République (MPTR), candidat à la présidentielle d’avril prochain, l’opposition assiste à une concurrence déloyale du parti au pouvoir qui serait déjà en campagne :
"Depuis deux mois, le président Déby entame une tournée qui sent tout à fait la campagne. Et aujourd’hui, dans la ville de N’Djamena, tous les endroits publics comme privés, des grands espaces sont loués où on arbore partout le drapeau du parti au pouvoir, le MPS. L’Etat est utilisé totalement en faveur d’un seul candidat. La population est prise en otage par cette forme de propagande. Aujourd’hui, on est en train de se poser la question : est-ce que ça vaut la peine d’aller à cette élection ?"
>>> A lire aussi : Tchad : des opérations militaires onéreuses
... et de l'opposition ?
Faux, rétorque Jean-Bernard Padaré, le porte-parole du Mouvement patriotique du salut. Pour lui, le MPS et l’opposition font la même chose :
"C’est une accusation mal fondée. Être dans les starting blocks comme tous les autres partis c’est légitime. Est-ce qu’ils ne le font pas eux ? Quand les partis d’opposition s’organisent par-ci par-là, est-ce que ce n’est pas une campagne ? Ces effigies existent depuis et existeront même après la campagne dans la mesure où Idriss Déby Itno est le chef d’Etat en fonction. Par conséquent, il n’est pas interdit de faire ce genre d’affiche. Mais il y aura d’autres affiches pour la campagne. Je pense que l’opposition a tort de penser que le MPS est déjà en campagne.!
La justice pourrait sévir
Pour l’expert en question électorale Laurent Doumla, ces pratiques sont néanmoins répréhensibles et il appartient à la commission électorale nationale indépendante de prendre ses responsabilités.
‘’L’article 95 du code électoral dit que la personne qui se livre à des tels actes peut même perdre ses droits civils et politiques. Et dit que quiconque, par quelque moyen ou sous quelque forme que ce soit, aura fait campagne en dehors de la période règlementaire, sera puni d’un emprisonnement d’un mois à un an et de l’interdiction du droit de voter et d’être éligible pendant un an au moins et cinq ans au plus. Il appartient maintenant à l’organe de gestion des élections de les appliquer. Normalement, la campagne n’est pas encore ouverte donc il n’y a pas de raison que les gens puissent commencer déjà à créer des bureaux ou bien circuler avec des messages de campagne. C’est complétement contraire au code électoral.’’
Contactés, les responsables de la Commission électorale nationale indépendante n’ont jusque-là pas donné suite à notre demande d’interview.