Auschwitz - un lieu d'histoire et d'horreur
27 janvier 2022Le 27 janvier, le monde rend chaque année hommage aux victimes de l'Holocauste. Six millions de juifs ont été massacrés dans ce génocide perpétré par l'Allemagne nazie. L'un des symboles de cette barbarie, c'est le camp d'extermination d'Auschwitz, situé en actuelle Pologne. C'est la date de sa libération par l'armée soviétique en 1945 qui a été choisie pour cette journée de mémoire.
Petit retour en arrière. La ville d'Oświęcim est située à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest de Cracovie. Elle connaît un essor économique dans les années 1900 grâce à sa gare de chemins de fer. Les usines environnantes de Haute-Silésie et de Bohème attirent une main d'œuvre abondante. Il faut donc rapidement construire des logements pour abriter ces travailleurs, des maisons en dur et des baraques en bois. Ce sont ces constructions qui serviront de premiers baraquements quand les nazis y installeront leur camp de la mort sur près de 200 hectares de terrain.
La descente aux enfers à Oświęcim
En septembre 1939, peu après le début de la Seconde guerre mondiale, la ville d'Oświęcim est occupée par la Wehrmacht, l'armée nazie, et annexée par le Reich allemand.
Avant la guerre, environ la moitié des 12.000 habitants de la ville d'Oświęcim étaient juifs. Suite à l'attaque de la Pologne le 1er septembre 1939 par les troupes d'Hitler, les juifs y ont été isolés dans un ghetto, dans la vieille ville. Ils sont contraints, à partir de 1940, à aider les troupes "d'élite" de la SS à transformer les habitats pour ouvriers en immense camp de concentration : Auschwitz I…
Ceux qui survivent à ce labeur seront eux-mêmes enfermés et la plupart tués dans le camp à partir de 1942.
Eichmann et la Conférence de Wannsee
Le 20 janvier 1942 a en effet lieu près de Berlin la "Conférence de Wannsee", tristement célèbre. C'est là qu'est décidée la "solution finale", c'est-à-dire l'extermination systématique des juifs d'Europe. Adolf Eichmann est alors responsable d'assurer leur déportation en train vers les camps de la mort.
A Oświęcim, le camp Auschwitz-Birkenau (Auschwitz II) est construit pour être entièrement consacré à l'extermination des juifs, des Sinti et Roma, des opposants politiques, des personnes considérées comme "déviantes", autant d'humains qui ne méritaient pas de vivre, selon les nazis.
Les camps, tout un système
Le premier camp de concentration bâti par les nazis est celui de Dachau, près de Munich, en 1933. Le camp d'Auschwitz est le septième construit, après ceux de Sachsenhausen, Buchenwald, Flossenbürg, Mauthausen et le camp pour femmes de Ravensbrück.
Si le camp d'Auschwitz a gardé une telle charge symbolique, c'est qu'il est de loin le plus vaste de tous ces camps, avec ses deux enceintes, son crématorium et ses deux camps de travail : Buna et Monowitz.
Rudolf Höß dirige le complexe d'Auschwitz jusqu'à son remplacement en novembre 1943. Il commande jusqu'aux gardes SS et tout l'appareil administratif du camp.
La SS
Pour garder et diriger le camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, c'est en effet à la SS que le régime recourt. En 1942, ils sont 2.000 gardes à surveiller le camp. Vers la fin de la guerre, à l'automne 1944, plus de 4.000 membres de la SS, des secrétaires, des surveillantes, des infirmières, travaillent et vivent en bordure du site, parfois avec leur famille. De véritables quartiers d'habitation, avec villas tout confort, se développent juste derrière les barbelés.
En tout, sur toute la durée de la guerre, plus de 8.000 membres ou proches de membres de la SS ont travaillé et vécu là.
Ce sont aussi des membres de la SS qui contrôlent les industries et l'artisanat qui profitent de la main d'œuvre du camp.
La fabrique de la mort
A partir de 1942, les assassinats de masse deviennent la norme. Près de 80% des personnes déportées à Auschwitz ne sont même pas enregistrées comme prisonnières : on les envoie directement dans les chambres à gaz où elles sont tuées dès leur arrivée.
Le nombre de cadavres est tel que, dès le printemps 1943, un crématorium et des fours crématoires supplémentaires sont construits pour les brûler. Les SS testent l'efficacité funeste de ces nouvelles installations sur les passagers d'un train de déportés : 1100 hommes, femmes et enfants meurent asphyxiés par le zyklon B dans une chambre à gaz, avant d'être incinérés. Leurs cendres sont jetées dans des lacs avoisinants.
A l'été 1943, le directeur des travaux au camp d'Auschwitz, Karl Bischoff, écrit avec fierté à sa hiérarchie : "Désormais, 4.756 corps peuvent être incinérés en 24 heures".
Pour accélérer l'arrivée des déportés, une rampe à trois rails est construite à Birkenau. Elle est encore visible aujourd'hui.
Les derniers convois sont arrivés à Auschwitz à la fin de l'automne 1944, en provenance de toute l'Europe. Parmi les personnes arrêtées aux Pays-Bas et qui sont déportées à Auschwitz à cette époque se trouve la jeune Anne Frank, âgée de 15 ans, célèbre pour son journal intime qui témoigne "de l'intérieur" de la persécution des juifs.
(Ré)écouter aussi → Qui a trahi Anne Frank ? (Vu d'Allemagne du 19.01.2022)
Des morts par millions
Le nombre exact de victimes de l'Holocauste tuées à Auschwitz est difficile à établir avec précision. Les historiens poursuivent leurs recherches dans les archives. Ils évaluent le bilan à plus de 5 millions de morts dans les camps nazis. Très peu de prisonniers ont survécu. Mais un projet de recherche commandé par le Mémorial d'Auschwitz-Birkenau a permis d'identifier plus de 60% des prisonniers dont les noms figuraient dans les registres de l'administration des SS. Les administrateurs du camp tatouaient ensuite leur numéro de prisonnier sur le bras de ces personnes.
Mais plus de 900.000 personnes n'ont pas été enregistrées : beaucoup de femmes, d'enfants, de vieillards, notamment, dont les nazis ne pouvaient pas profiter de la force de travail. Ces personnes ont été gazées dès leur arrivée dans le camp.
Les chiffres avancés par le Mémorial du camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, plus d'1,1 million de personnes sont mortes dans le camp. 90% d'entre elles étaient des juifs.
Libération des prisonniers en 1945
A leur entrée dans le camp, le 27 janvier 1945, les soldats soviétiques ont une vision d'horreur : seuls 7.000 prisonniers décharnés ont survécu, la plupart sont à l'agonie. Cinq cents d'entre eux sont des enfants. Beaucoup ne tiennent plus debout, sont couchés sans bouger sur le sol.
Ce sont ceux qui étaient trop faibles pour partir à pied, contraints par les gardes SS qui ont tenté d'évacuer des dizaines de milliers de prisonniers du camp, forcés de fuir pieds nus dans le froid glacial, à l'approche des armées ennemies : 56.000 à 58.000 détenus répartis en groupes de 1.000 à 2.500 personnes. Environ 15.000 d'entre eux ont trouvé la mort dans ces marches.
Dans leur fuite, les SS n'ont pas eu le temps de détruire tous leurs registres, leurs dossiers, leurs documents mais ils ont fait exploser la plupart des baraques, des chambres à gaz et des crématoriums avant de partir.
Le mémorial
Début 1946, l‘actuelle Pologne fait partie de la zone d'influence soviétique. L'Etat polonais gère le site d'Auschwitz où est créé un premier musée en 1947, sous l'impulsion d'anciens déportés.
Le mémorial comprend aujourd'hui les baraques du camp de concentration d'Auschwitz I et le terrain presque vide où se dressait le camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau (Auschwitz II). Les premières expositions ont été mises en place en coopération avec le mémorial isréalien de Yad Vashem.
Aujourd'hui, environ 500.000 personnes visitent le site chaque année.
Les derniers témoins
Le Bundestag commémore cette année encore les victimes de l'Holocauste, avec des discours, des interventions de témoins d'époque.
Une "Marche des vivants" est organisée chaque année entre ce qui était le camp Auschwitz I et Birkenau.
Le temps passe et le nombre de survivants qui peuvent témoigner directement s'amenuise. Mais de nombreux récits ont été enregistrés, filmés, dessinés, écrits, pour continuer de transmettre ce souvenir aux prochaines générations.