Berlin déroule le tapis rouge au sommet Compact with Africa
20 novembre 2023A Berlin, il y avait ce lundi (20.11) sur la tribune du Compact with Africa, outre le chancelier Olaf Scholz, le président Macky Sall et ses homologues nigérian et ivoirien, Bola Tinubu et Alassane Ouattara. Pour ne citer que les plus connus.
Autant de chefs d’Etat et de gouvernement qui ont fait le déplacement pour convaincre les investisseurs privés de la stabilité de leur pays.
Selon Olaf Scholz, "les milieux d'affaires réunis ici, comprennent parfaitement que l'aspect le plus important d'un bon environnement commercial est l'Etat de droit, le fait que l'on puisse se fier à ce que l'on a convenu. Il est également essentiel de progresser dans ces domaines et d'entreprendre les réformes économiques nécessaires."
Une dizaine de pays ont rejoint cette initiative lancée en 2017 par l’Allemagne. Des poids lourds de l’économie africaine, comme l’Afrique du Sud et le Nigeria, sont également représentés cette année.
“Nous, le Nigeria, nous avons la plus grande population d'Afrique, la plus grande économie et représentons la plus grande opportunité pour vous tous, a lancé le président nigérian Bola Tinubu. Nous sommes en train de réformer l'économie pour accueillir les investissements étrangers".
Changements géopolitiques
La confiance affichée par Bola Tinubu va de pair avec les convoitises que suscite son pays.
Olaf Scholz s’y est rendu le mois dernier pour ce qui était déjà sa troisième tournée sur le continent en tant que chancelier. En plus des importations de pétrole existantes, l’Allemagne est intéressée par les grandes réserves de gaz du pays.
Comme le résume l'expert en relations internationales Rainer Thiele, l’intérêt grandissant pour l’Afrique est notamment "lié aux changements géopolitiques. Il y a la guerre de la Russie, le scepticisme vis-à-vis de la Chine. On cherche à diversifier les chaînes d’approvisionnement énergétiques".
Dans ce contexte, quelle est l’efficacité du Compact with Africa dans la promotion des investissements privés sur le continent ?
Les avis sont partagés. Pour la présidente de l'Association économique germano-africaine (Afrika-Verein) Sabine Dall'Omo, les investissements des entreprises allemandes sont encore "décevants". Elle appelle à mieux protéger celles qui veulent investir, surtout les PME.
Son organisation a toutefois mené une étude en partenariat avec un cabinet d’audit (KPMG), selon laquelle "plus de la moitié (59%) des entreprises allemandes ayant une présence économique en Afrique souhaitent développer leurs activités sur le continent compte tenu des évolutions géopolitiques." Les souhaits d’investissements seraient bien réels.
L’étude montre ainsi que le Nigeria est considéré comme le principal marché d'avenir, devant l'Ethiopie, la Côte d’Ivoire, l’Egypte. Viennent ensuite le Ghana, le Maroc, le Rwanda et le Kenya.
Evaluation du risque
Le président sénégalais Macky Sall rejoint cette analyse. Sauf que les crédits pour pouvoir investir en Afrique seraient encore trop chers, l’analyse des risques pas assez fine, car ne faisant que peu de distinction entre les pays.
Pour d’autres, comme l’affirme le Premier ministre du Maroc Aziz Akhennouch, les investissements allemands dans son pays ont été multipliés par six entre 2015 et 2022.
Le nombre d'entreprises allemandes en Côte d'Ivoire a triplé en cinq ans, a aussi souligné Alassane Ouattara.
Le premier ministre de la RDC Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge a lui insisté sur les besoins en investissements étrangers dans le secteur de l'électricité.
Le ministre allemand de l’économie Robert Habeck a répondu que l’Allemagne était prête “à être un partenaire, mais c’est aux pays africains de dire ce qu’ils veulent et de “mettre en place les plans d'affaires".
"Besoins colossaux"
Pour Azali Assoumani, le président en exercice de l’Union africaine "même si les flux d'investissement des pays du G20 vers les pays africains adhérents du Compact dépassent les niveaux d'avant la pandémie, ils sont encore loin du montant record de près de 53 milliards de dollars atteint au cours de l'exercice 2017-2018 et pourtant, les besoins d'investissements internes des pays restent colossaux."
Azali Assoumani a appelé à réformer le système financier mondial qui reste, selon lui, “un obstacle majeur pour mobiliser des capitaux privés et financier le développement des économies africaines.”