Berlin veut reconnaître le génocide arménien
2 juin 2016Jeudi, les députés du Bundestag, la chambre basse du Parlement, se prononceront sur une résolution reconnaissant le génocide des Arméniens. Un évènement qui remonte à 1915 et que nie catégoriquement Ankara. "Ce texte ne veut rien dire pour nous (...) et il constituera un véritable test de l'amitié" entre les deux pays, a indiqué Binali Yildirim lors d'un discours à Ankara. Le chef du gouvernement turc a rappelé que "3,5 millions de Turcs vivent en Allemagne et contribuent très activement à l'économie. "Nos amis allemands n'ont pas le droit de décevoir une telle communauté".
Déjà en projet en 2015
L'an dernier déjà, alors que l'Arménie commémorait les 100 ans du génocide, un projet de résolution avait été discuté au Bundestag. A cette occasion, le président allemand Joachim Gauck avait rappelé à quel point cette reconnaissance était importante :
"Les criminels de l'époque ne sont plus. Et on ne peut pas faire porter à leurs enfants ou à leurs petits enfants la responsabilité de leur crime. Mais ce que les descendants des victimes sont en droit de réclamer, c'est la reconnaissance de faits historiques et en cela d'une culpabilité historique."
Mais l'affaire traîne et ce n'est que début 2016 que le groupe parlementaire des Verts parvient à remettre le projet sur le tapis. La résolution désormais en jeu qualifie de "génocide" le massacre perpétré entre 1915 et 1917 par l'empire ottoman sur les Arméniens.
S'il est quasi certain qu'une grande majorité des députés adopte la résolution, elle est source de tensions entre Ankara et Berlin. Explications avec le professeur Ferhad Ibrahim Seyder, spécialiste de la question notamment à l'université de Erfurt, dans le centre de l'Allemagne.
"La Turquie refuse d'assumer son histoire. Elle refuse de reconnaître certaines choses - contrairement à d'autres pays. Il y a eu une injustice à l'encontre d'une minorité, des civils, non armés, et je pense que la Turquie ferait bien de se pencher sur le sujet. Le fait qu'elle proteste contre cette résolution est macabre, est irrecevable d'un point de vue moral et éthique. Reconnaitre les erreurs du passé serait très important pour la Turquie elle-même, pour son identité."
Selon le professeur Seyder, la Turquie refuse le terme de génocide avant tout parce qu'elle craint de devoir verser des réparations aux descendants des victimes. Par le passé, elle a réagi à l'adoption de textes similaires par des pays européens en rappelant temporairement ses ambassadeurs en poste dans ces capitales. Cette fois-ci, Ankara parle de nouveau d'impact défavorable sur les relations bilatérales mais le Premier ministre turc, Binali Yildrim, a déjà dit que les dégâts seraient toutefois limités.
La chancelière Angela Merkel soutient la résolution mais elle ne participera pas au vote, en raison de son programme de travail. Cem Özdemir, président d'origine turque des Verts allemands, a quant à lui fait l'objet d'intimidations et de menaces sur les réseaux sociaux en raison de son soutien au texte.