Vers un remodelage des Brics
13 juin 2023Lundi, le 12 juin, le président de la transition militaire burkinabè, le capitaine Ibrahim Traoré, a reçu une médaille des Brics pour son "combat pour la souveraineté de son pays". Une médaille qui lui a été remise par la présidente de l'Alliance internationale des Brics, la Russe Larisa Zelentsova. Le président centrafricain Faustin-Archange avait reçu il y a quelques mois cette même médaille. Dans un contexte de lutte d'influence en Afrique de l'Ouest, les Brics, qui ont déjà ouvert fin 2022 un bureau à Dakar, et souhaitent en ouvrir un à Bangui, pourraient vouloir s'ouvrir à d'autres pays, africains notamment.
Un rapprochement
" J'ai été honoré de recevoir la médaille des Brics (…). Cette distinction témoigne de mon dévouement sans faille envers la souveraineté de mon pays…" C'est ainsi que le président de la transition burkinabè a réagi sur twitter à la distinction qui lui a été décernée.
Dans un contexte de tension internationale avec la guerre en Ukraine, le groupe des Brics pourrait chercher à prendre ses distances avec les Occidentaux et chercher pour cela à accroître son influence en Afrique de l'Ouest.
Si le Burkina ne fait pas partie des Brics, il est question de l'installation dans le pays de l'Alliance des Brics, présenté comme un pont entre pays membres et non membres.
Depuis son arrivée au pouvoir, le capitaine Traoré n'a jamais caché son souhait de voir partir les forces spéciales françaises de Ouagadougou, tout en assurant que cela n'avait pas d'incidence sur les relations diplomatiques avec Paris.
Des manifestations ont toutefois lieu régulièrement pour réclamer davantage de coopération entre Ouagadougou et Moscou.
Avec le Brésil, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud, la Russie fait en effet partie des pays qui constituent les Brics.
Un groupe qui selon Günther Maihold, directeur adjoint de l'Institut allemand pour les affaires internationales et de sécurité (SWP) " tente de se positionner comme porte-parole du Sud " et donc "en contre-modèle du G7".
En 2014, les pays BRICS ont fondé la "Nouvelle Banque de Développement" (NDB) avec un capital d'amorçage de 50 milliards de dollars américains comme alternative à la Banque Mondiale et au Fonds Monétaire International (FMI). En outre, un mécanisme de liquidité a été créé, le Contingent Reserve Arrangement (CRA), pour soutenir les membres en difficulté de paiement.
Ces offres sont attrayantes non seulement pour les pays Brics eux-mêmes, mais aussi pour de nombreux pays en développement et émergents qui ont vécu des expériences douloureuses avec les programmes d'ajustement structurel et d'austérité du FMI. Car alors, en temps de crise, ils ne dépendent plus exclusivement de la Banque mondiale et du FMI. De nombreux pays ont donc manifesté leur intérêt à rejoindre le groupe BRICS.
Le BRICS Bank FIS s'est déjà ouvert à de nouveaux membres. En 2021, l'Égypte, les Émirats arabes unis, l'Uruguay et le Bangladesh ont souscrit des parts de l'institution. Cependant, ceux-ci sont bien en deçà des dix milliards de dollars américains de dépôts des membres fondateurs.
Une initiative attrayante non seulement pour les Brics eux-mêmes, mais aussi pour de nombreux pays en développement et émergents qui ont vécu des expériences douloureuses avec les programmes d'ajustement structurel et d'austérité du FMI.
Alexey Mukhin est expert des Brics et directeur général du Center for Political Information en Russie. Il estime que les Brics sont une alternative à l'ordre mondial occidental.
"Le Brics sont un nouveau type de mécanisme basé sur le principe d'équité et de justice et protégeant également les intérêts nationaux de chaque membre. C'est différent du G7, qui est sur le mode d'un pays dominant plus six pays subordonnés. Je pense que mécanisme de coopération des Brics pourra faire des progrès substantiels à l'avenir. C'est aussi pourquoi de plus en plus de pays espèrent rejoindre le mécanisme de coopération des Brics, car ils préfèrent des relations internationales plus égalitaires et prudentes plutôt que l'hégémonie du dollar américain auquel les pays occidentaux sont habitués. Le mécanisme coopératif des Brics est une alternative" estime-t-il.
Un fossé et des ambitions différentes
La guerre en Ukraine a creusé un fossé entre les Brics et les Occidentaux. Ni l'Inde, ni le Brésil, ni l'Afrique du Sud, ni la Chine ne participent aux sanctions contre Moscou.
Toutefois, le groupe est loin d'être homogène : la Chine ne soutient pas officiellement la Russie dans son invasion de l'Ukraine et elle entretient une rivalité historique avec l'Inde.
La position de l'Afrique du Sud reste pour sa part prudente. Lors d'une récente réunion du groupe au Cap, la ministre sud-africaine des Affaires étrangères, Naledi Pandor, s'est contenté du minimum en parlant de la nécessité du dialogue.
"Nous avons convenu que l'un des principaux objectifs des Brics que nous essaierons d'encourager est vraiment de favoriser le dialogue comme voie vers la paix et le développement. Nous pensons que le monde a besoin de parler beaucoup plus, surtout lorsqu'il y a des problèmes que nous pourrions résoudre par le dialogue et une interaction étroite" avait-elle dit.
Alors que la guerre en Ukraine pourrait modifier les équilibres internationaux, certains experts rappellent que les Brics ne sont pas une alliance anti-occidentale, mais plutôt une plate-forme pour la mise en œuvre des intérêts nationaux des pays qui la constituent.
Il s'agit selon eux, pour chacun, de tirer le meilleur parti de la "bataille des géants".
La Chine, en revanche, utiliserait cette plate-forme pour ses ambitions politiques mondiales. Les offres de médiation dans la guerre en Ukraine et les manœuvres militaires conjointes de la Russie et de la Chine en Afrique du Sud s'inscrivent dans ce cadre.
Les membres de Brics seraient ainsi prêts à parler d'un élargissement du groupe, mais les critères d'admission devront être discutés au préalable. Le sujet sera à l'ordre du jour du prochain sommet, en août, en Afrique du Sud.