Bundestag 2021: les nombreuses (!) coalitions possibles
26 septembre 2021Depuis 1957, l'Allemagne est dirigée par des coalitions. Le système électoral est tel qu'il faut une majorité au Bundestag pour pouvoir désigner le chancelier, ou la chancelière, et donc composer le gouvernement fédéral. Or, aucun parti ne parvient à lui seul à obtenir un nombre de députés suffisant pour réunir une majorité absolue et gouverner seul. Cette année encore, les scores risquent d'être tellement serrés que plusieurs scénarios de calitions sont possibles.
Qui désignera le chancelier ?
Traditionnellement, c'est le parti qui arrive en tête des législatives qui désigne le chancelier/la chancelière. Mais cette année, si l'écart entre les candidats est vraiment réduit, tous les partis vont tenter de négocier pour obtenir les postes-clefs en cas d'alliance.
Ce qui est certain, c'est qu'aucun des principaux partis ne se dit prêt à s'allier à l'AfD d'extrême droite.
Mais si aucun de ces partis ne dépasse [largement] les 25%, il va même falloir constituer des coalitions à trois pour obtenir une majorité stable au Parlement. Et de la couleur de ce trio dépendra le nom du futur chancelier ou la future chancelière
Des partis et des couleurs
Commençons par les "noirs", ce sont les conservateurs, donc la CDU/CSU. Armin Laschet n'a réussi ni à galvaniser les électeurs qui traditionnellement votaient pour son camp ni à rallier de nouveaux soutiens. En cas de victoire, les conservateurs devront donc entamer des discussions.
Avec le SPD, par exemple, à qui on attribue la couleur rouge et avec qui la CDU/CSU gouverne dans une "grande coalition" depuis 2017, un binôme déjà éprouvé aussi entre 2005 et 2009.
Le troisième partenaire mystère
Cela pourrait être le FDP (jaune), avec qui Armin Laschet gouverne au niveau régional, dans le Land de Rhénanie du Nord-Westpahlie. La CDU/CSU a déjà fait alliance avec le FDP au niveau fédéral (entre 2009 et 2013), ils partagent des vues communes sur la nécessité d'un retour à l'austérité budgétaire, sur l'allégement fiscal pour favoriser les investissements des entreprises et la croissance.
Mais sur ce point, le SPD prône au contraire le recours à la dette et l'augmentation des impôts pour financer la transition énergétique.
Noir-jaune-rouge ou la "coalition Jamaïque"
C'est l'alliance noir-vert-jaune, couleurs du drapeau jamaïquain, donc entre la CDU/CSU, les écologistes et le FDP. Là encore, les aspirations des Verts sont assez éloignées des libéraux. Les écologistes réclament une politique plus sociale, tournée vers les foyers plus modestes.
Mais surtout, ils veulent une réduction forte des gaz à effet de serre à court terme et un abandon du charbon dès 2030 contre 2038 envisagé actuellement.
Comme le SPD, les Verts veulent aussi pérenniser le fonds de reconstruction européen, pour une mise en commun solidaire des dettes des Etats membres, ce que le FDP et la CDU/CSU refusent de systématiser.
Des Verts pas si éloignés du SPD
Il existe une proximité relative entre écologistes et sociaux-démocrates. Les Verts sont opposés par exemple au gazoduc Nord Stream 2 qui va acheminer du gaz russe, pour ne pas accroître la dépendance énergétique de l'Allemagne envers la Russie. Ils veulent à la place consacrer 50 milliards d'euros par an à la promotion de l'énergie éolienne.
Et puis les scores du SPD et des Verts mis ensemble risquent de ne pas suffire… il leur faudrait donc aussi un troisième partenaire de coalition.
"Feu tricolore" avec le FDP ou rouge-rouge-vert avec la gauche
Les dissensions entre les partis restent importantes. On a déjà évoqué le FDP, qui mise sur la concurrence, le marché, alors que les sociaux-démocrates, les Verts et Die Linke surtout sont favorables à davantage de régulation, à une hausse des impôts pour financer une politique plus sociale.
Mais une alliance du SPD avec Die Linke est peu probable. Car le parti de gauche est hostile à l'Otan. C'est sur ce point qu'Armin Laschet (de la CDU) a concentré ses attaques durant la campagne, en réclamant à Olaf Scholz (du SPD) de s'engager à ne pas s'allier avec la gauche. Pour ce qui est de la politique étrangère, les écologistes sont plus fermes vis-à-vis de la Russie et de la Chine que le SPD, qui rejoint sur ce terrain le pragmatisme prudent des conservateurs.
Die Linke est opposée à toute intervention militaire allemande à l'étranger. Les Verts, eux, n'excluent pas "l'utilisation de la force militaire en dernier recours".
Des divergence qui persistent
En fonction de leur score final, les différents partis pourront peser plus ou moins dans la balance des négociations et décrocher des ministères importants comme les Affaires étrangères, la Défense ou l'Economie. Il n'est d'ailleurs mathématiquement pas exclu que le prochain chef du gouvernement soit issu cette fois du parti arrivé 2e aux législatives d'aujourd'hui.
Pour rappel, aux législatives de 2017, la CDU/CSU est arrivée en tête, Angela Merkel est donc restée chancelière, mais le SPD ne voulait plus s'allier à elle. Angela Merkel a alors ouvert des pourparlers avec les libéraux (jaunes) et les écologistes (les verts) qui ont échoué. Et au bout de six mois, les conservateurs ont finalement réussi à trouver un accord avec le SPD.
Cette année, certaines persiflent déjà : étant donné la difficulté annoncée des pourparlers de coalition, il se pourrait que ce soit encore la chancelière sortante Angela Merkel qui expédie les affaires courantes à la chancellerie quand les Français auront élu leur président… c'est-à-dire en mai 2022.