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Au Burkina, l'armée réquisitionne des critiques du pouvoir

Charles Bako
7 novembre 2023

Des voix s'élèvent, notamment sur les réseaux sociaux, contre l'appel sous les drapeaux de trois personnalités critiques des autorités de transition au Burkina.

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Soldats dans la ville de Kaya au Burkina Faso
Les autorités militaires agissent sur la base du décret sur la mobilisation générale face à la menace terroristeImage : Sophie Garcia/AP Photo/picture alliance

"Il ne sera plus question de laisser les mauvais comportements primer sur la nation". Cette déclaration du président de la transition burkinabè au cours de la montée des couleurs au palais présidentiel  laisse entrevoir qu'Ibrahim Traoré souhaite passer à la vitesse supérieure"Il ne sera plus question de laisser le libertinage prendre le dessus. Les libertés individuelles ne priment pas sur les libertés de la  nation. Une nation ne se construit pas dans l'indiscipline et le désordre".

Une réquisition attendue

C'est dans cette lignée que le journaliste Issiaka Lingani, chroniqueur dans l'émission  "Presse écho"  de la télévision privée BF1 a été réquisitionné pour trois mois. Il a toujours critiqué la gestion du pouvoir militaire actuel et s'attendait à cette décision : "Depuis quelque temps je suis l'objet d'injures, de diffamation et de menaces ouvertes des partisans du pouvoir. Mes points de vue n'ont jamais varié et ont toujours été constants sur des questions de principe, de liberté, de droit, de démocratie et de développement partagé".

Outre Issiaka Lingani, Ladi Bama, également journaliste et Rasmane Zinaba du mouvement Balai citoyen, ont eux aussi été appelés à servir sous les drapeaux. 

Les réseaux sociaux s'enflamment

Sur les espaces de discussions notamment Facebook et les groupes  WhatsApp, la polémique est vive. Si certains sont favorables au réquisitionnement, d'autres estiment au contraire que les libertés chèrement acquises sont sous pression. 

"Les tenants du pouvoir n'acceptent que ceux qui font leurs louanges" affirme ainsi Abdul Kader Ouattara, le secrétaire général  du syndicat  national des artistes musiciens du Burkina Faso. "Ils souhaiteraient que tout le monde sorte dire que ça va quand bien même ça ne va pas. Tout d'un coup tous ceux qui dénoncent sont arrêtés et envoyés au front. Les gens se sont battus pour conquérir chèrement les espaces de liberté et aujourd'hui on ne doit plus lever le ton. Ce n'est pas possible."

Condamnations des syndicats

Un début de semaine sur fond de tension par ces réquisitions de journalistes, hommes politiques et leaders syndicaux. Les déclarations de  mouvement fusent de partout. Celles par exemple du Mouvement burkinabé des droits de l'Homme (MBDHP), le collectif contre l'impunité et la stigmatisation des communautés et  Confédération générale du travail du Burkina (CGT-B)  entre autres qui se sont insurgés contre les " réquisitions arbitraires".

"Le pouvoir du MPSR 2 veut bâillonner nos organisations" (N. Ouédraogo)

"Le pouvoir du MPSR 2 veut ainsi bâillonner nos organisations sous le couvert de réquisition dans le seul but de casser la dynamique de la lutte contre l'arbitraire, l'autocratie et la banalisation de la vie humaine. Elle traduit clairement la volonté du capitaine Ibrahim Traoré de museler toute les voix dissonantes", estime Nicolas Ouédraogo, membre de la Confédération générale du travail du Burkina.

Si les autorités actuelles procèdent aux réquisitions, c'est  pour que les personnes ayant une voix discordante constatent d'eux-mêmes la réalité sur le champ de  bataille selon des observateurs. Le tout pour attirer l'attention des Burkinabè sur la nécessité de soutenir les efforts de guerre. La Confédération générale du travail du Burkina (CGT-B) fustige l'application sélective du  décret relatif à la mobilisation générale. Les personnes réquisitionnées serviront comme Volontaires pour la défense de la patrie (VDP).

Des supporters de la junte agitent des drapeaux du Burkina
Charles Bako Correspondant au Burkina Faso pour le programme francophone de la Deutsche Welledw_francais