Burundi: où est la communauté internationale ?
10 mars 2017La situation au Burundi était à l'ordre du jour, jeudi, d'une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies. Aucune résolution n'a été adoptée, malgré les appels de plusieurs ONG et un rapport alarmant du conseiller spécial du secrétaire général, Jamal Benomar. Ce dernier a notamment souligné le risque d'intensification de la crise si le président burundais décidait de briguer un 4ème mandat en 2020.
Appel à des sanctions ciblées
La veille de la réunion, 19 ONG avaient adressé une lettre conjointe au Conseil de sécurité pour réclamer des "sanctions ciblées" contre des responsables burundais. Dans une autre lettre, le conseiller spécial pour la prévention du génocide Adama Dieng mettait en garde contre les risques "d'atrocités de masse" au Burundi. Lui aussi appelait le Conseil de sécurité à prendre des "mesures énergiques". Mais hier à New York, les membres du Conseil ont entendu poliment le rapporteur Jamal Benomar faire un constat similaire, sans en tirer de conséquence. Une déception de plus pour la société civile burundaise, de la part d'une communauté internationale qui semble se désintéresser du Burundi. Jean-Régis Nduwimana, activiste en exil:
"Ce sont toujours les mêmes mots et c'est décevant. Je regarde les réactions des gens à Bujumbura, personne n'a commenté la réunion d'hier. On dirait que les gens sont déjà habitués à des réunions qui n'aboutissent à aucune conclusion qui fasse bouger les choses en matière de protection de la population."
"Le dialogue n'est pas en panne" selon Bujumbura
Du côté du pouvoir burundais, on rappelle que le conseiller spécial de l'Onu Jamal Benomar a été récusé. Et le nouveau porte-parole du président, Jean-Claude Karerwa Kendzaco, n'accorde aucune crédibilité aux différents rapports de l'ONU ou des ONG internationales:
"Ces rapport 'alarmants' ne sont pas vérifiables. Le peuple burundais est debout pour parachever un processus de réconciliation qui fait partie intégrante de l'accord d'Arusha. La dernière phase, ce sont les travaux de la Commission vérité et réconciliation qui sont en cours et la communauté internationale devrait plutôt appuyer le Burundi à peaufiner ce processus à travers ses commissions. Et le dialogue n'est pas en panne, il a marqué une pause suite à un malentendu mais au niveau intérieur il y a un dialogue qui se poursuit et d'ailleurs le gouvernement est toujours engagé et déterminé à participer au dialogue externe."
Vers un 4ème mandat de Nkurunziza ?
Dans son rapport présenté au Conseil de sécurité, le conseiller spécial du secrétaire général de l'Onu estime au contraire, que l'impasse politique s'est aggravée ces derniers mois. Jamal Benomar s'inquiète également d'une déclaration de Pierre Nkurunziza, fin 2016, dans laquelle le président laissait entendre qu'il pourrait briguer un 4ème mandat "si le peuple burundais décidait de modifier la constitution". Une inquiétude que partage Jean-Régis Nduwimana:
"Si Nkurunziza persiste et signe pour un 4ème mandat, que va faire la rébellion? Que vont faire tous ces jeunes exilés dans la sous-région? Aujourd'hui le pays est instable non seulement sur le plan politique mais aussi sécuritaire. Quand on vous dit que les autorités sont gardées avec des centaines de policiers dans les quartiers où ils vivent, que se passe-t-il pour la population locale qui vit avec une milice - les Imbonerakure - capable d'agir au nom de Nkurunziza? C'est une situation de crise qui s'annonce au Burundi mais malheureusement la communauté internationale ne parvient pas à réagir. On dirait que les leçons du passé ne restent pas dans l'oreille du système des Nations unies."
Le vice-président du Burundi, Gaston Sindimwo, a réclamé cette semaine le remplacement de l'ensemble des représentants de l'Onu présents au Burundi. De quoi renforcer un peu plus l'isolement international du pays.