Cameroun : brouille entre Yaoundé et les Nations unies
24 avril 2019C'est dans un garage de fortune, situé au quartier polytechnique à Yaoundé, que logent quelques familles qui ont fui les violences dans les régions anglophones du Cameroun.
Parmi elle : Louis et Akem. Ils racontent leur calvaire."Nous ne voyons aucun effort du gouvernement, s'il y a des services pour l'enregistrement des déplacés ou pas, nous n'avons aucune information. La vie est difficile, on dort même dans les voitures ici. Les familles sont séparées comme ça," expliquent-ils.
Comme eux, ils sont des milliers de déplacés internes qui ont besoin d'une assistance.
En début d'année 2019, le Haut Commissariat des Réfugiés (HCR) révélait que la crise qui sévit depuis trois ans dans le nord-ouest et sud-ouest a déjà fait plus de 400.000 déplacés internes. Des chiffres que le gouvernement camerounais conteste.
Paul Atanga Nji, ministre de l’Administration territoriale(Minat), estime que les ONG se servent de la situation dans ces régions anglophones pour en faire un fonds de commerce. "C'est une information erronée publiée à dessein pour ceux qui veulent se servir de la situation dans les régions du nord-ouest et le sud-ouest pour en faire un fonds de commerce. Je donne un exemple: en présentant qu'il y a plus de 400.000 déplacés internes, vous pouvez demander 50 millions d'euros tout en sachant que pour encadrer ces déplacés au Cameroun, il ne faut en fait que dix millions d'euros," martèle le ministre.
Le ministère estime par ailleurs que 75.000 déplacés internes sur les 152.000 enregistrés ont déjà reçu de l’aide dans le cadre du plan d'assistance humanitaire, créé par le président Paul Biya.
Mais pour Cyrille Rolande Bechon, directrice de l'ONG les Nouveaux droits de l'homme, c'est une prise en charge inappropriée. "Le Cameroun est Etat parti à la convention de Kampala sur les déplacés internes. Cette convention lui donne l'obligation d'assurer aux déplacés internes les mêmes conditions de vie, de jouissance de droits, que les populations des autres zones du pays. Or cette espèce de plan d'urgence [du président de la République, ndlr] qui est une sorte de don ou appui ponctuel qu'on apporte aux Camerounais comme s'ils étaient des réfugiés dans un autre pays, ce n'est pas ce qu'on attend d'un État," souligne Mme Bechon.
Toutefois, le HCR révèle que les besoins urgents de ces personnes s'élèvent à plus de 35 millions de dollars. Une réponse humanitaire est donc indispensable pour résoudre la situation qui se dégrade chaque jour de plus en plus.