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La candidature de Paul Biya divise les religieux camerounais

Elisabeth Asen
8 janvier 2025

Le chef de l'Etat camerounais Paul Biya pourrait briguer un nouveau mandat. Des dignitaires religieux critiquent cependant sa gouvernance.

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Le président camerounais Paul Biya
Paul Biya dirige le Cameroun sans partage depuis 42 ansImage : Stephane Lemouton/abaca/picture alliance

C'est la première fois que les évêques du Cameroun critiquent d'une même voix  la gouvernance de Paul Biya, nonagénaire au pouvoir depuis 42 ans. Dans son discours de fin d'année ce dernier a laissé entendre qu'il pourrait briguer un nouveau mandat

Candidature irréaliste

Dans son homélie du Nouvel An, Emmanuel Abbo, évêque de Ngaoundéré, a ainsi dénoncé les souffrances endurées par les Camerounais : 

La correspondance d'Elisabeth Asen

"Comment est-il possible que l'appel désespéré à l'aide des Camerounais ne pousse pas les responsables de ce pays à vouloir mettre fin à leurs trop nombreuses souffrances ? Et la plus grave des souffrances est qu'on interdit aux Camerounais d'exprimer leurs souffrances en leur promettant que l'État est un rouleau-compresseur, un Moulinex qui réduira en bouillie tout Camerounais qui osera exprimer sa souffrance.  Qui va-t-on gouverner lorsqu'on aura broyé tous les Camerounais dans le Moulinex  ou qu'on sera passé sur eux avec le rouleau-compresseur ? Comment peut-on promettre la mort à ceux qui ne demandent qu'un minimum pour survivre?"

D'autres prélats se sont succédés pour faire le procès du régime, notamment Samuel Kleda, archevêque métropolitain de Douala, ou encore Yaouda Hourgo, l'évêque de Yagoua dans l'extrême nord du pays. Tous trouvent irréaliste une nouvelle candidature de Paul Biya à la présidentielle 2025.

Pas de position commune

Alors que certains leaders religieux appellent au changement, d'autres privilégient la stabilité institutionnelle, ce qui crée un clivage inédit dans le paysage politico-religieux national. C'est le cas de l'imam central de Douala, Mouhamad Malik Farouk. Pour sa part, il qualifie les  déclarations des évêques de "points de vue personnels, dépourvus de force contraignante”.

Un ping-pong interreligieux qui révèle les profondes divisions au sein de la société camerounaise sur la question de la succession présidentielle.

Le président camerounais Paul Biya rencontre le pape François au Vatican
Paul Biya lors d'une audience avec le pape François en mars 2017Image : Getty Images/AFP/V. Pinto

Part de responsabilité

Cette prise de position des évêques catholiques est d'autant plus significative que l'Église catholique au Cameroun est une institution respectée et influente. Alors pour Nestor Nzetou Félix, sociologue et pasteur, les leaders religieux ont aussi leur part de responsabilité : 

"Quand vous allez à l'université catholique, vous avez plus d'un million à payer. Ils savent même que le Cameroun, comme ils le décrivent, est un pays pauvre. Comment est-ce qu'ils n'adaptent pas le prix de la scolarisation en fonction du niveau de vie du Camerounais ? Ils peuvent certainement, à travers leur sortie, influencer,  mais ils ne décident pas du choix du peuple."

Le Cameroun compte près de dix millions de catholiques, soit 38,4% de la population, répartis dans 24 diocèses. Une enquête ultérieure a estimé ce chiffre à 7 millions (26%) en 2023. Cette rupture pourrait se faire sentir lors de l'élection présidentielle qui aura lieu en octobre prochain.