CAN 2019 : les sélectionneurs africains en minorité
21 mai 2019La dernière fois que les sélectionneurs africains se sont retrouvés en majorité à une Coupe d'Afrique des Nations, c'était il y a 17 ans. Une éternité en football. Lors de la CAN 2002, qui s'est disputée au Mali, ils étaient neuf entraîneurs issus du continent africain, contre sept Européens.
De tous temps, les fédérations africaines ont fait appel à des techniciens du Vieux Continent. Le mythe du "sorcier blanc" est bien connu en Afrique. Néanmoins, ce système a ses limites, estime l'ancien international béninois Frédéric Gounongbe :
"Malheureusement, l'Afrique a toujours été un marché de seconde main de l'Europe, d'un point de vue économique et historique. C'est une dynamique triste à constater, et ça se répercute dans le football. C'est ce qui me désole un petit peu : on a l'impression que ce sont les entraîneurs qui, soit n'ont pas réussi à s'imposer, soit sont dans une mauvaise dynamique en Europe qui viennent se recaser en Afrique. C'est assez triste, parce que ça fait passer l'Afrique pour le marché de seconde main."
Des traitements qui peuvent être différents
Bien qu'il n'a joué avec les Ecureuils qu'entre 2014 et 2016, Frédéric Gounongbe a connu un entraîneur européen (Didier Ollé-Nicolle) et un sélectionneur local (Oumar Tchomogo). Il a pu ainsi saisir les différences dans le travail, mais aussi dans le traitement des deux hommes :
"Ollé-Nicolle, c'est l'école européenne. D'un point de vue tactique, c'était beaucoup plus poussé, beaucoup plus pointu. Les causeries d'avant-match, ou bien même celles avant l'entraînement étaient beaucoup plus détaillées, par exemple. Derrière ça, il avait beaucoup plus de problèmes dans la communication avec la fédération. Quelques mois après, il a été remplacé par Oumar Tchomogo. D'un point de vue tactique, c'était un peu moins préparé, mais il avait le soutien de tous les joueurs, parmi lesquels les locaux. Et même s'il a été renvoyé quelques mois après, il avait des relations plus fluides avec la fédération."
Le projet doit primer
Cet exemple du Bénin est assez parlant, même si les cas diffèrent en fonction des pays et des fédérations. Il ne faut pas tomber dans les travers non plus, et penser que les fédérations du continent africain préféreront par défaut des Européens à des Africains. Il y a des exemples positifs d'Européens qui ont eu du succès, comme celui de Claude Le Roy par exemple (qui sillonne l'Afrique depuis plus de 30 ans maintenant), ou encore celui de son "fils spirituel", Hervé Renard, qui a remporté la CAN avec la Zambie en 2012 et avec la Côte d'Ivoire en 2015. Des entraîneurs qui se sont investis corps et âme sur le continent africain. Pour Frédéric Gounongbe, c'est là l'essentiel : pour réussir, il faut croire à son projet.
"Je pense que le plus important reste le sportif. L'entraîneur doit apporter une plus-value. Si les Africains n'arrivent pas à le faire pour l'instant, il faut continuer à se former, jusqu'au moment où ils pourront le faire. Il n'est pas tout de se plaindre, de dire que les Européens viennent prendre le boulot des locaux, surtout si par la suite, les locaux ne sont pas en mesure d'effectuer un travail cohérent. Ça n'a pas de sens. Le plus important reste la performance."
Lors de la prochaine Coupe d'Afrique des Nations, ils seront donc onze sélectionneurs issus du continent africain à vouloir grimper sur le toit de l'Afrique, parmi lesquels Aliou Cissé avec le Sénégal, Ibrahim Kamara avec la Côte d'Ivoire ou encore Florent Ibenge avec la République Démocratique du Congo. L'un d'eux parviendra peut-être ainsi à succéder au regretté Stephen Keshi, qui avait remporté la CAN 2013 avec le Nigeria.