CPI-Ongwen: des victimes veulent une justice communautaire
16 janvier 2017La vie à Gulu, dans le Nord de l'Ouganda, est redevenue paisible depuis une dizaine d'années. Depuis que la LRA s'est retirée dans des pays voisins. Il y a des chantiers de construction ou de réfection d'infrastructures routières et il y a un service bancaire opérationnel. La guerre et les exactions de la LRA semblent loin. Mais à Gulu aujourd'hui, le procès de Dominic Ongwen, à des milliers de kilomètres de l'Ouganda, semble rouvrir les blessûres. Assis sur un banc d'école à côté de quelques-uns de ses élèves, Alexander Ochen, un instituteur âgé de 47 ans a été lui aussi enrôlé dans la LRA et a eu à diriger des opérations sanglantes au nom de cette organisation. Alexander Ochen connaît bien Dominic Ongwen. Il dénonce le procès qui a lieu à la Haye : "Je suis contre ce procès. Je sais qu'il faut qu'il y ait la justice. Mais ce procès envoie un mauvais signal. J'ai toujours prié intérieurement pour qu'il y ait une amnistie et un système de justice communautaire mettant face à face victimes et bourreaux. Cela pourrait faire avancer le processus de réconciliation."
L'amnistie, le gouvernement ougandais l'a accordée à des milliers d'anciens membres de la LRA. Ils essaient de se réinsérer dans la société, à l'instar d'Alexander Ochen: "Un jour j'ai rencontré un garçon qui avait été enlevé. Il m'avait reconnu dans un marché. Il était accompagné de sa mère et lui criait : "regarde, c'est cet homme qui a tué des gens dans notre village". C'était dur. Je me suis mis ensuite à genoux pour demander pardon. En fait, c'étaient les enfants soldats que je dirigeais qui avaient brûlé les gens dans leurs maisons. La mère du garçon était en pleurs. Elle m'a pardonné et nous sommes devenus amis. Elle m'a même offert deux poulets."
Dans le nord de l'Ouganda, beaucoup de personnes pensent qu'une justice communautaire pourrait mieux aider à cicatriser les blessûres qu'une procédure loin là-bas, devant la CPI. Margaret Aciro est mère de trois enfants; les rebelles de la LRA lui ont coupé les lèvres et le nez. Aujourd'hui, elle se montre rarement en public : "Je ne m'intéresse pas à ce procès. Je n'ai pas le sentiment d'en tirer un quelconque profit. Peut-être que je sentirais la justice, si j'obtenais une sorte de dédommagement, afin de reprendre une vie normale." Si Dominic Ongwen est condamné à la Haye, les victimes auront droit au dédommagement. Mais cela pourrait encore prendre du temps.