Dapaong dans le nord du Togo et la menace djihadiste
7 juillet 2022La ville de Dapaong dans la région des Savanes, dans l'extrême nord du Togo, est désormais sous état d'urgence sécuritaire.
C'est dans cette région que huit soldats ont été tués dans la nuit du mardi 10 au mercredi 11 mai. Le gouvernement a déploré treize autres blessés.
Une soixantaine d'hommes armés à moto ont attaqué un poste militaire à Kpinkankandi, dans le nord, proche de la frontière avec le Burkina Faso.
Cette attaque revendiquée par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans est la première attaque terroriste meurtrière qui frappe ce pays côtier d'Afrique de l'ouest.
Un mois plus tard, Lomé a décrété l'état d'urgence sécuritaire dans la région des Savanes. Alors, à Dapaong, l'armée est visible partout, ou presque, par les populations. Emmanuel Batie tient un supermarché et un restaurant dans la ville de Dapaong.
"C'est vers mi-mai qu'on a remarqué l'arrivée des militaires, juste après la frappe des djihadistes dans le nord. Ils sont arrivés. Et depuis lors on remarque la présence de militaires un peu partout dans la ville. On les remarque un peu partout. Et il y a des patrouilles toutes les nuits. Il y a des patrouilles toutes les nuits. Nous qui faisons des activités de nuit, lorsqu'on rentre des fois on tombe sur des militaires qui nous interpellent et essayent de vérifier notre identité et autre. C'est bien parce que ça permet de rassurer la population que les militaires sont à nos côtés, qu'ils sont là pour nous défendre", explique Emmanuel.
"On a peur, on ne sait pas qui est qui "
La ville de Dapaong est située à plus de 650 kilomètres de Lomé. Elle est la capitale de la région des Savanes, la région, selon Lomé, la plus au nord et la moins développée du Togo. Elle est située près des frontières du Ghana, du Bénin et du Burkina Faso. Dans ce dernier pays, les attaques ont régulièrement lieu. Kanfitine Naniga représente l'association des conducteurs de taxi moto à Dapaong :
"On a trop peur avec la situation. Nous voyons des clients, on a peur de les prendre, puisque, à ce moment-là, on ne sait pas qui est qui. On a trop peur. Le matin comme ça on peut sortir … avant quand il y avait la sécurité… avant, on peut sortir, on peut travailler au moins 5 000 à 6 000. Mais aujourd'hui, avec l'insécurité, vraiment ça ne va pas ! Quand on sort… même difficilement ramener 1 000 francs à la maison".
La population de la région des Savanes est essentiellement rurale. Selon les autorités togolaises, la zone constitue la principale porte d'entrée du bétail transhumant des Peuls nomades provenant du Sahel sur le territoire national. Le secteur accuse aussi le coup de l'état d'urgence sécuritaire, comme l'explique Jules Kolani, boucher.
"Aujourd'hui, en ce qui concerne mon activité en particulier, nous nous approvisionnons plus de bœufs du Burkina Faso, ce qui n'est plus d'actualité aujourd'hui. Et tout ce qui est rare prend de la valeur. Un bœuf que tu pouvais acheter à 110 000 CFA aujourd'hui nous pouvons nous retrouver face à 210 000 à 310 000 pour un bœuf. Or, le pouvoir d’achat de la population est tellement faible", estime Jules Kolani.
L'état d'urgence sécuritaire
Quelques jours après l'entrée en vigueur de l'état d'urgence, l'armée togolaise a repoussé une nouvelle attaque dans l'extrême-nord du pays, à la frontière avec le Burkina Faso. Cette attaque qui a eu lieu dans la localité de Goulingoushi n'a enregistré aucune victime.
Pour le gouvernement, l'état d'urgence sécuritaire est une "mesure d'exception et elle intervient pour une situation particulière".
"L’état d'urgence va permettre à l'administration, aux forces de défense et de sécurité, d'avoir un peu plus de souplesse dans leur activités, de faire des contrôles identitaires un peu plus fréquents, de faire des contrôles domiciliaires, d'interdire certaines activités. Et, on le sait, l'état d'urgence sécuritaire va entraîner un fléchissement des libertés individuelles et collectives", dit le ministre Akodah Ayewouadan ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement..
L'état d'urgence sécuritaire décrétée le 13 juin 2022, va durer trois mois. La mesure peut être prorogée, sur autorisation du Parlement.