Le Débarquement de Provence, la déroute de la Wehrmacht
15 août 2024Deux mois après les commémorations du Débarquement de Normandie, le président français Emmanuel Macron et plusieurs dirigeants africains célèbrent aujourd’hui, 15 août 2024, le 80e anniversaire de l'opération "Dragoon", également connue sous le nom de "Débarquement de Provence".
Cet événement, qui a permis aux forces alliées de libérer la France de l’occupant nazi, n’a été possible que grâce à la participation active de combattants venus de ce qui était alors les colonies françaises.
Pour marquer l’événement, six dirigeants africains assistent aux festivités : le Camerounais Paul Biya, qui est le seul à prendre officiellement la parole au nom des Africains, le Centrafricain Faustin-Archange Touadera, Brice Oligui Nguema du Gabon, Azali Assoumani pour les Comores, ainsi qu’Aziz Akhannouch, le chef du gouvernement marocain.
Plusieurs autres pays du continent seront représentés par un ministre, d’autres, comme le Tchad, le Bénin ou l’Allemagne, par leur ambassadeur. A noté que le Burkina Faso n’a envoyé sur place qu’un chargé d'affaires.
Le Niger, le Mali et l’Algérie, en froid avec Paris, n’ont envoyé personne.
L'opération "Dragoon"
Contrairement aux deux débarquements alliés précédents, en Normandie et en Sicile, pour la première fois, des contingents de résistants français importants participent aux opérations.
Ils sont appuyés par des milliers de soldats des "commandos d'Afrique" venus d'Afrique du Nord, de l'Afrique équatoriale française (AEF) et de l'Afrique occidentale française (AOF).
Grâce à eux, l'armée américaine atteint son objectif avec une avance d'un mois sur la date prévue.
En 1944, les Américains et les Anglais planifient un débarquement en Méditerranée, deux mois après celui de Normandie. Ils ont besoin de ports en eau profonde pour pouvoir ravitailler les troupes débarquées quelques semaines plus tôt dans le nord-ouest de la France.
La protection de 250 navires de guerre permettent, en deux jours, à près de 117.000 soldats de débarquer de plusieurs centaines de bateaux et barges, et 1.270 péniches.
En tout, plusieurs centaines de milliers de combattants seront mobilisés - et au moins 5.000 femmes ont aidé aux opérations.
Plusieurs milliers de parachutistes sont largués en renfort derrière les lignes allemandes. Un assaut rapide baptisé "Operation Dragoon" qui surprend les batteries allemandes pourtant en état d'alerte : depuis fin 1943, des mines avaient été posées, des blockhaus construits par les nazis. Mais de nombreux soldats de la Wehrmacht avaient été redéployés en renfort sur le front de l'ouest.
La bravour des "tirailleurs"
Le Nigérien Amadou Hassan, faisait partie des soldats venus d'Afrique qui constituaient quasiment la moitié des troupes lors de ce Débarquement de Provence. En 2004, il faisait part de ses souvenirs à notre confrère Guillaume Michel, de la DW :
"Dans les unités de débarquement, il y avait des « tirailleurs sénégalais », comme on dit. Ils ont débarqué en défiant le feu du ciel, le feu de la terre, le feu de la mer. Ils se sont sacrifiés pour la libération de la France, avec une grande abnégation."
Ayoun Mbaye, Sénégalais, avait 23 ans en 1944. Il se souvenait, dans le même reportage, de sa ferveur de jeune homme : "Il était tout à fait normal que nous de repousser les Allemands aux côtés des Français. C'était une guerre mondiale ! Si la France restait occupée, l'Afrique serait aussi occupée."
Ayoun Mbaye regrettait en 2004 l'oubli relatif du rôle joué par les "tirailleurs" durant la guerre: "On a presque tout oublié ! On a débarqué de nuit et au petit matin, nous étions déjà sur la falaise. Enfin, j'étais jeune, je n'ai pas trop regardé le paysage..."
L'Allemagne nazie destabilisée
Joseph Goebbels, le chef de la propagande nazie, renforce les productions destinées à montrer aux Allemands et au reste du monde que "tout va bien".
Exemple, ce film Panorama dinformations, diffusé en août 1944 dans les cinémas en zone neutre et occupée. Ses images montrent des membres des Jeunesses hitlériennes heureux daider aux travaux de la ferme :
Dès le 18 août 1944, Hitler ordonne aux soldats de la Wehrmacht de se replier, exception faite des garnisons stationnées dans les ports de Marseille et Toulon qui reçoivent l'ordre de résister. En 14 jours de combats acharnés, le sud de la France est libéré, l'armée allemande capitule dans la région.
Les troupes allemandes commencent à remonter vers le nord, vers les Alpes et la Vallée du Rhône, bombardées par l'aviation alliée et ciblées par les Maquisards. Pour l'anecdote, la retraite s'effectue pour beaucoup en vélo ou en charrette.
La Résistance a lancé depuis plusieurs mois une insurrection générale et multiplie les sabotages sur les voies ferrées et les communications.
Les nazis se sentent acculés, alors la répression allemande redouble d'intensité.
C'est entre le printemps et novembre 1944 qu'ont lieu près de la moitié des déportations massives de répression (près de 30.000 opposants et résistants sont déportés), les opérations punitives de police au sein des populations civiles augmentent, ainsi que la répression par la justice militaire.
Accélérateur ou erreur stratégique ?
Mais les armées occidentales et soviétiques continuent leur progression, l'Allemagne est fortement bombardée à l'automne 1944. L'acte de la capitulation allemande sans condition est signé à Berlin le 8 mai 1945, quelques jours après le suicide d'Adolf Hitler dans son bunker.
Dans ses Mémoires publiés près de vingt ans après les faits, le maréchal britannique Montgomery qualifie le Débarquement de Provence de grave erreur stratégique. Selon lui, les Alliés auraient mieux fait de concentrer leurs forces sur l'Italie et les Balkans, plutôt qu'en France, car ce choix a permis aux Soviétiques de gagner du terrain en Europe de l'est et centrale.