Des soldats étrangers pour combattre les rebelles en RCA
15 janvier 2021En République centrafricaine, ce vendredi 15 janvier, le calme se maintient à Bangui, 48 heures après l’attaque surprise de deux axes menant à la capitale par les rebelles de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC). Dans le cadre d’une coopération militaire qui la lie à la République centrafricaine, la Russie a déployé en 2018 plus de 170 instructeurs civils pour former les soldats des Forces armées centrafricaines (FACA).
Moscou a livré, entre 2018 et 2020, plusieurs cargaisons d'armes pour équiper les forces armées centrafricaines. Pour cela, la Russie a obtenu du Conseil de sécurité de l’Onu une levée partielle de l'embargo sur les armes qui pèse sur la Centrafrique depuis 2013.
Mi-décembre 2020, la Russie a ainsi déployé des hommes et du matériel militaire pour aider l’armée centrafricaine à faire face à l’offensive de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC).
"Ce sont des instructeurs qui sont là depuis 2017-2018. Apparemment, il y a un contrat ou un accord signé entre le gouvernement centrafricain et le groupe Wagner", soutient Thierry Vircoulon, le coordonnateur de l'Observatoire de l'Afrique australe et centrale l'Institut français des relations internationales (IFRI). Wagner est une société de mercenaires russe créée par Dmitri Outkin, un ancien officier du GRU, les renseignements militaires russes. Le groupe paramilitaire privé a déjà fait parler de lui lors de son intervention en Syrie.
"Ce groupe bien connu fournit des mercenaires russes dans plusieurs théâtres d’opérations, notamment la Syrie. Ce groupe a envoyé des renforts pour sécuriser l'élection du 27 décembre. Ce sont eux qui sont donc à pied d'œuvre actuellement en Centrafrique", poursuit Thierry Vircoulon.
Cohabitation
Pour combattre les rebelles de la CPC, les soldats de la Minusca coopèrent sur le terrain avec les forces armées centrafricaines et leurs alliés russes et rwandais. Il est ainsi inédit de voir les Nations unies combattre avec autant de forces militaires, dont un groupe privé, affirme Hans De Marie Heungoup, spécialiste de la Centrafrique à l’International crisis group.
Selon lui, "c'est l'une des rares fois, parmi les missions de paix au monde, où on voit une force onusienne combattre côte à côte avec des forces bilatérales et même des forces privées comme celles de la société Wagner. Cependant, il n'y a pas pour l'instant un mémorandum de bonne entente. Ce qui semble se dérouler sur le terrain, c'est plus une relation de coexistence et un minimum de coordination nécessaire pour que les deux forces ne se retrouvent pas à se marcher dessus dans des zones de combat et les théâtres d’opérations."
Contacté par la DW, Albert Yaloké Mokpème, ministre conseiller et porte-parole de la présidence centrafricaine, place la présence militaire de la Russie dans son pays dans le cadre de la dérogation faite par le Conseil de sécurité des Nations unies à l’embargo sur les armes appliqué à la Centrafrique.
Rebelles mercenaires
On note également la présence de mercenaires dans les rangs des rebelles de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC).
Une présence qui a été confirmée, en milieu de semaine à Bangui, par le ministre de I'intérieur chargé de la sécurité publique, le général Henri Wanzet Linguissara avait présenté à la télévision nationale un des combattant rebelle fait prisonnier lors des combats de mercredi. Celui-ci ne parlerait selon le ministre, ni Sango, la langue nationale, ni français, mais l’arabe local parlé au Tchad.
Le combattant rebelle fait prisonnier a même avoué qu’il venait de Koumra, une ville du Sud du Tchad qui a toujours servi de base arrière aux rebelles centrafricains. Ce qui ne surprend pas Thierry Vircoulon : "Il y a très fréquemment des miliciens qui viennent du Tchad ou du Soudan et qui travaillent avec des groupes armés centrafricains, ou même parfois qui forment des bandes armées en Centrafrique. Ça relève en fait de ce qu'on a vu depuis une dizaine d'années. C’est à dire, le fait qu'il y ait une sorte de banditisme régional qui se déverse en Centrafrique. C'est ce qui s'était passé en 2013. Et en effet, il y avait eu notamment des miliciens soudanais qui avaient participé à la Seleka. Donc, on voit que le même phénomène est en train de se reproduire."
Dans le cadre d’un accord bilatéral de défense, le Rwanda a déployé, mi-décembre 2020, des soldats en Centrafrique, en plus de son contingent intégré au sein de la Minusca (la mission de l’ONU).
Retrait des instructeurs Russes
Selon des diplomates sous couvert de l'anonymat, la Russie a informé cette semaine l'ONU qu'elle allait retirer ses 300 "instructeurs militaires" envoyés fin 2020 en Centrafrique pour l'élection présidentielle, ont indiqué vendredi à l'AFP des diplomates. Le retrait a été signifié au Comité de sanctions de l'ONU chargé de contrôler l'embargo sur les armes imposé à la Centrafrique.
En plus des centaines d'instructeurs, Moscou avait déployé dans le pays trois ou quatre hélicoptères de transport en accompagnement.
Par ailleurs, l'annonce du retrait militaire russe a été faite avant les attaques menées mercredi aux abords de Bangui, et des interrogations subsistent à l'ONU pour savoir si Moscou va vraiment retirer les troupes russes après les dernières attaques rebelles contre la capitale Bangui.
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"Nous allons retirer de Centrafrique nos instructeurs non armés qui ont été déployés en renfort en décembre" et "cette information a été transmise au Comité de sanctions", a déclaré le porte-parole de la mission diplomatique russe à l'ONU.
À la mi-décembre, la Russie, après avoir nié avoir envoyé en Centrafrique des "forces régulières" comme l'avait affirmé Bangui, avait fini par reconnaître le déploiement d'au moins "300 instructeurs militaires" supplémentaires.
A la demande de Bangui, le Conseil de sécurité de l'ONU, qui s'est réuni à huis clos mercredi sur la Centrafrique, a programmé une nouvelle réunion sur ce pays le 21 janvier qui sera publique, selon des diplomates. Les autorités centrafricaines veulent en profiter pour demander une levée de l'embargo sur les armes même temporaire pour mieux combattre les rebelles qui continuent de contrôler plus des 2/3 du territoire national.