Côte d'Ivoire : des projets pour contrer les djihadistes
6 mars 2023Le nord de la Côte d’Ivoire fait face à une menace djihadiste plus pressante. Cette région, qui partage une frontière avec le Mali et le Burkina Faso, est devenue un sanctuaire pour les groupes armés terroristes.
En l’espace de deux ans, cinq attentats non revendiqués y ont été perpétrés. L’attaque la plus grave, qui a fait 14 morts, a visé un poste militaire en juin 2020.
Depuis ces attentats, le gouvernement ivoirien a renforcé le dispositif sécuritaire le long des frontières nord.
La ville de Korhogo, proche d’une bande sahélienne en proie au terrorisme, reste vulnérable. Par deux fois, la localité de Kafolo, située à 134 kilomètres de Korhogo, a été attaquée par des groupes djihadistes.
Doumbia Yaya, un habitant de Kafolo qui séjourne en ce moment à Korhogo pour des raisons de santé, se souvient de ces événements. "On savait qu’il y avait des djihadistes qui étaient dans les parages. Mais dire qu’ils allaient venir attaquer Kafolo, nous, on ne le croyait pas", dit l'homme qui formule aujourd'hui une seule prière : "Je prie Dieu pour ne pas qu’ils reviennent. Deux fois, c’est déjà trop."
Méfiance dans la région
Depuis les attaques contre Kafolo et les accrochages entre l’armée ivoirienne et les groupes djihadistes, la méfiance mais aussi les discriminations se sont installées dans la région.
Car encore une fois, comme au Mali et au Burkina Faso, c’est la communauté peule, soupçonnée de soutenir les djihadistes, qui est visée.
Cette communauté représenterait environ 35.000 à 40.000 personnes dans le nord de la Côte d’Ivoire. Jacques Bassolé, opérateur économique refuse la stigmatisation de cette communauté.
"Les militaires, quand ils te voient sur la route, et que tu es peul, ils t’arrêtent. Souvent même ils vont jusque dans les campements. Mais ce sont des êtres humains. On travaille ensemble et on vit ensemble sans problème", estime Jacques Bassolé.
Où sont passés les fonds ?
Dans sa stratégie de lutte contre le terrorisme, le gouvernement ivoirien a lancé plusieurs projets de développement dans la partie nord. Parmi eux, un port sec à Ferké et le financement de projets en faveur de la jeunesse.
Pourtant, dans la localité de Korhogo, depuis le lancement de l’opération, personne ne sait où sont passés les fonds. Certains interlocuteurs expliquent que les localités concernées par ces projets seraient celles qui se situent à la frontière avec le Mali et le Burkina Faso.
A Korhogo, Soma Ouattara, un jeune ébéniste, aurait souhaité bénéficié de financements pour embaucher dans son atelier plusieurs jeunes sans emploi.
"Si l’Etat pouvait se pencher un peu de notre côté, cela nous ferait plaisir de contribuer à la lutte contre le terrorisme. Parce que les enfants qui ne font rien sont toujours tentés de faire n’importe quoi pour avoir de l’argent", explique l'ébéniste.
Sécurité renforcée
Depuis les deux attaques de Kafolo en juin 2020 puis en mars 2021, le gouvernement ivoirien a multiplié les stratégies de sécurisation dans la région.
Amadou Coulibaly, le ministre ivoirien de la Communication, porte-parole du gouvernement et par ailleurs député de Korhogo, se réjouit des mesures prises par le pouvoir d’Abidjan.
"C’est une guerre asymétrique, c’est vrai. Elle n’est pas classique, elle pourra prendre du temps mais nous gardons la foi quand nous voyons les premiers signes et la réaction spontanée de l’Etat face à cette menace. Ceci pour dire qu’il y a beaucoup de chances que nous arrivions à venir à bout de cette menace", dit le ministre Coulibaly.
La Côte d’Ivoire ambitionne de se positionner comme un leader régional dans la lutte contre le terrorisme. En 2021, une académie internationale militaire a été inaugurée à Jacqueville, dans le sud du pays. Celle-ci a vocation de former les armées de la sous-région.
Par ailleurs, l’Etat ivoirien poursuit ses investissements dans la formation de son armée et dans son équipement.