L'affaire Chebeya refait parler d'elle
6 juin 2019Les faits remontent à 2010. A l'époque, Floribert Chebeya, activiste et défenseur des droits de l'homme, est assassiné dans des circonstances troubles à Kinshasa, la capitale congolaise. Selon les premiers éléments de l'enquête, il aurait été tué sur les ordres de John Numbi à l'époque général au sein de l'armée congolaise. Pour sa part Paul Mwilambwe, ancien commandant chargé de la sécurité à l'Inspection générale de la police, est accusé de complicité dans cet assassinat.
Demande d'extradition
Des accusations que Paul Mwilambwe a toujours niées. Aujourd'hui, il se dit prêt à retourner en RDC pour témoigner et fournir des preuves de son innocence.
"Je demande mon extradition et celle-ci est motivée par le changement du pouvoir en République Démocratique du Congo. S'il s'agit de mourir, mieux vaut mourir dans mon pays. J'assume ma responsabilité en rentrant dans mon pays pour répéter mes accusations et remettre tous les éléments qui impliquent le président Kabila et le général John Numbi, ainsi que le major Christian Ngoy. Je vais remettre toutes les preuves au juge qui va instruire le dossier."
Condamné à mort par contumace en RDC, Paul Mwilambwe a fait l'objet d'une procédure judiciaire demeurée sans suite au Sénégal où il vit en exil.
Annie Chebeya dit non à la parodie
Pour Annie Chebeya, la veuve de Floribert Chebeya, bien que la RDC ait un nouveau président, l'appareil judiciaire congolais reste inchangé. Elle considère ainsi peu probable la tenue d'un procès équitable concernant l'assassinat de son époux.
"C'est John Numbi qui l'a assassiné et on peut dire que c'est Joseph Kabila qui lui a demandé de le faire. Nous voulons que ces gens là puissent répondre à la justice sénégalaise. Toutes les personnes qui sont actuellement en charge en RDC, sont les mêmes personnes qui ont jugé cette affaire au cours des années passées. Nous ne voulons pas que Paul Mwilambwe puisse retourner à Kinshasa, alors que le procès qui s'y est déroulé a été une parodie. Nous voulons qu'il soit jugé au Sénégal."
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Feuilleton judiciaire
Mais comme le rappelle Thierry Michel, journaliste et cinéaste qui a réalisé un documentaire en 2012 sur l'affaire Chebeya, à l'époque déjà, Paul Mwilambwe s'était livré à la justice congolaise et disait détenir des preuves de son innocence.
"Quand j'ai récolté son témoignage, il a expliqué les choses telles qu'elles se sont passées, dans les moindres détails, comme un agent des renseignements. Et c'est vrai qu'à chaque fois, il donne les lieux, les dates, les personnes incriminées, les plaques d'immatriculation des véhicules, tout ça devait être pris en compte et surtout, quand il a témoigné par rapport à la disparition du chauffeur et activiste Bazana, il a expliqué comment on a enterré son corps dans le terrain d'un officier. Il m'avait transmis tous ces éléments que j'ai transmis à mon tour à la justice congolaise qui a longuement délibéré pour savoir si elle les prenait en compte ou pas. Et qui a décidé de ne pas les prendre en compte, malheureusement."
Une justice congolaise qui décide de ne pas prendre en compte les éléments transmis à l'époque par Thierry Michel. Une justice sénégalaise qui reste muette depuis plusieurs années face à l'affaire Mwilambwe. Autant dire que le feuilleton judiciaire entre les deux pays ne fait que commencer.