Déliquescence de l'État en Centrafrique
4 janvier 2013Cela bouillonne au cœur de l'Afrique, écrit le Tagesspiegel de Berlin. Après la reprise de la guerre civile dans l'est de la République démocratique du Congo, la République Centrafricaine voisine est le théâtre d'une rébellion dont souffre principalement la population civile dans ce pays misérable. Depuis des années le gouvernement centrafricain est régulièrement confronté à des insurrections et des rébellions. En dehors de Bangui, la capitale, il n'a pratiquement plus aucune influence. François Bozizé, note le journal, avait été plutôt bien accueilli par la population après son coup d'Etat contre Patassé en 2003. Mais très vite le vieux schéma du clientélisme ethnique a repris le dessus à Bangui. Et si François Bozizé a largement gagné les élections de 2005 et 2011, les tensions dans le pays n'ont jamais diminué. Pour la Süddeutsche Zeitung, la rapide avancée des rebelles en si peu de temps est sans doute un indice du degré de sous-équipement et de démoralisation de l'armée centrafricaine. La crise est en outre révélatrice de la fragilité du pays, l'un des moins développés au monde. En tant que voisine du Soudan, du Soudan du sud et de la République démocratique du Congo, la République Centrafricaine est de surcroît située dans une région extrêmement instable.
Selon die tageszeitung, François Bozizé est précisément aidé par son grand voisin du sud, la RDC. Selon la rébellion, note le journal, 300 militaires de la garde présidentielle congolaise ont été envoyés à Bangui. Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement congolais, a confirmé leur stationnement en Centrafrique, mais souligné que cet effectif était présent depuis près de trois ans dans le cadre de la FOMAC, la force multinationale d'Afrique centrale. Or selon les rebelles et une partie de l'opposition ce sont en revanche des unités toute fraiches. Une intervention officielle du président congolais Joseph Kabila en faveur de Bozizé réveillerait de sinistres souvenirs, écrit le journal. Il y a dix ans des troupes congolaises étaient déjà à Bangui pour protéger le président Ange-Félix Patassé d'une rébellion dirigée par François Bozizé. L'ancien rebelle et plus tard vice président congolais Jean-Pierre Bemba les avait envoyés. Il est jugé maintenant par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre présumés, commis par ces soldats.
Les nouveaux rebelles africains
La Centrafrique n'est donc pas le seul pays en Afrique à connaître une rébellion. C'est précisément ce qui inspire une longue réflexion à die tageszeitung, qui écrit ceci : des miliciens et des rebelles lourdement armés, sur des camions et des pick-up, qui filent à travers la brousse et arrachent une localité après l'autre au contrôle de l'État : ce phénomène a marqué l'Afrique en 2012 - des combattants touaregs et des islamistes dans le Nord-Mali aux rebelles du Séléka en Centrafrique en passant par le M23 en République démocratique du Congo. Ces nouveaux guerriers de l'Afrique remportent des victoires spectaculaires qui peuvent ensuite s'évaporer tout aussi rapidement. Ils rappellent à quel point l'ordre africain post-colonial repose sur des pieds d'argile. Ce rappel, poursuit le journal, arrive au bon moment. L'image traditionnelle de l'Afrique comme continent des crises et des catastrophes a été trop vite remplacée, dans la perception internationale, par une nouvelle image, celle d'une Afrique comme continent des espoirs et des opportunités. Autrefois c'étaient les réfugiés et les affamés qui faisaient les grands titres, aujourd'hui ce sont les taux de croissance et les records à l'exportation. En vérité, souligne le journal, il n'y a pas de contradiction entre les deux images. Certaines régions d'Afrique connaissent un boom économique, d'autre un boom des conflits. Les acteurs sont parfois identiques et les deux phénomènes sont plus profondément liés que ne veulent l'admettre les afro-pessimistes comme les afro-optimistes. Et la TAZ poursuit plus loin par cette réflexion: plus l'essor de l'Afrique est rapide, plus la concurrence s'aiguise entre les gagnants potentiels et plus ils ont de moyens à leur disposition pour se livrer cette concurrence par les armes.
Mugabe s'accroche au pouvoir
Des troubles sanglants, le Zimbabwe en a également connus aprés les élections générales de 2008. La presse allemande craint que cela ne se repète à l'issue des prochaines élections. La date n'est pas encore connue, note la Süddeutsche Zeitung, mais le président Mugabe veut qu'elles aient lieu rapidement, au plus tard en juin. Sa campagne électorale a commencé depuis longtemps. Et la peur que le pays ne replonge dans le chaos va en s'amplifiant. Car depuis les troubles de 2008, le pays s'est vu imposer un compromis: sous la pression internationale, Mugabe, qui est au pouvoir depuis 1980, a été forcé d'accepter un gouvernement d'union nationale avec le MDC de l'opposant Morgan Tsvangirai. Depuis, c'est plutôt le statu quo qui gouverne. Robert Mugabe, l'ancien combattant pour la liberté devenu autocrate, aura 89 ans en février. Qu'il soit pressé d'organiser des élections tient peut-être à son grand âge. Mais les défenseurs des droits civiques exigent l'application préalable de réformes importantes.
Réfugiés économiques en Angola
Enfin l'afflux de Portugais en Angola fournit un autre sujet à la presse allemande. Plus de 100 000 Portugais ont trouvé refuge dans leur ancienne colonie pour fuir la crise de l'euro et la politique d'austérité de leur gouvernement. Et cela donne, lit-on dans la Süddeutsche Zeitung, cette caricature dans un magazine angolais. Première scène, elle se déroule il y a 20 ans, un Angolais, sa valise à côté de lui, prend congé de sa femme: "bonne chance, je pars au Portugal travailler dans le bâtiment". Deuxième scène, c'est un Portugais cette fois qui dit à sa femme "Bonne chance, je pars en Angola travailler dans le bâtiment". Les espoirs, poursuit le journal, sont souvent déçus. Dans le bâtiment justement, l'afflux d'ingénieurs portugais est si grand que les salaires qui leur sont payés ont diminué de moitié par rapport à ceux d'il y a deux ou trois ans. Luanda passe après Tokyo pour la ville la plus chère au monde pour les étrangers. L'eau minérale est importée du Portugal, les légumes d'Afrique du sud - une économie artificielle alimentée par le pétrole et les diamants et une corruption qui confine au grotesque.