Désastre dans le désert
11 mai 2012L'hebdomadaire Der Spiegel notamment se penche sur le nouvel Etat de l'Azawad créé par les rebelles touaregs dans le nord du Mali. Pour le moment, difficile de dire qui des islamistes radicaux, des Touaregs ou des groupuscules dissidents va véritablement régner dans l'Azawad. Der Spiegel cite deux raisons principales pour expliquer l'instabilité dans la région : la faiblesse de l'Etat et de nouvelles activités juteuses. Le trafic de drogues d'abord qui a remplacé celui des cigarettes. Selon des experts onusiens, entre 50 et 60 tonnes de cocaïne d'une valeur pouvant aller jusqu'à 10 milliards de dollars passent aujourd'hui chaque année à travers le Sahara pour aller en Europe. Les enlèvements ensuite. Ils constituent une deuxième source de revenus particulièrement lucrative pour les terroristes d'Al Quaïda et autres extrémistes de la région. Les chefs d'Etat de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest évoquent désormais l'envoi de troupes dans la zone contrôlée par les Touaregs. Selon l'hebdomadaire, ce serait suicidaire. Les rebelles connaissent mieux le désert que quiconque et ils sont probablement mieux armés.
Dans die tageszeitung, on trouve à ce propos un point de vue intéressant : celui de l'eurodéputé français François Alfonsi. Il représente au Parlement européen un parti nationaliste corse et il est l'un des rares à s'être prononcé en faveur d'un dialogue avec les Touaregs. Selon lui, refuser la sécession de l'Azawad comme l'a fait la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton revient à privilégier l'option militaire. Or, les revendications identitaires des Touaregs sont non seulement très anciennes mais aussi légitimes. Il faut les entendre, les comprendre. Une solution militaire serait une impasse qui ne servirait que les islamistes radicaux.
Pour finir, deux mots sur deux villes : Gao, tombée il y a un peu plus d'un mois entre les mains des rebelles du groupe islamique Ansar Dine. Conséquence des violences : les 200 Chrétiens qui vivaient à Gao auraient entre temps tous pris la fuite. Le quotidien suisse de langue allemande Neue Zürcher Zeitung rappelle pourtant que jusqu'à présent musulmans, chrétiens et animistes vivaient en harmonie. Et puis dans Der Tagesspiegel, il est question de l'autre grande ville du nord du Mali, Tombouctou, inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1998. Tombouctou où des combattants d'Ansar Dine ont détruit le mausolée du savant Sidi Mahmoud Ben Amar, que les habitants vénèrent notamment pour son pouvoir de faiseur de pluie. L'Unesco et le gouvernement allemand ont de nouveau appelé tous les acteurs du conflit à respecter les trésors culturels du Mali.
Oui ! Le monde peut apprendre de ses erreurs !
Die Zeit consacre un long article à la faculté des hommes à apprendre de leurs erreurs. Il y a à peine un an, en juin 2011, la famine qui frappait la Corne de l'Afrique faisait la Une des médias étrangers avec des images d'enfants affamés, de troupeaux décimés et de camps de réfugiés surpeuplés. Des images choquantes mais lucratives. L'argent coule à flot. La stratégie marche mais c'est trop tard. Entre 50.000 et 100.000 personnes - pour la plupart des enfants en-dessous de cinq ans - ont succombé à la catastrophe. Beaucoup d'entre eux seraient encore en vie si les donateurs avaient réagi dès le début de l'année avec des mesures préventives. Le fait que les gens aient besoin d'émotions fortes pour mettre la main au porte-monnaie n'est pas nouveau.
Mais depuis "le choc somalien" et la crise financière mondiale, il semble que les mentalités, y compris celles des dirigeants africains, commencent à changer. On comprend enfin ce que signifie empêcher une catastrophe plutôt que l'endiguer une fois qu'elle est déjà là. Cela permet de faire des économies. La prévention est devenue plus qu'une bonne stratégie. Elle est désormais une responsabilité internationale. Cette année, c'est le Sahel qui se débat avec une sécheresse. Selon les Nations Unis, environ 16 millions de personnes sont menacées de faim au Niger, au Mali, au Tchad, au Burkina Faso, au Sénégal et en Mauritanie. Les leçons tirées de la Corne de l'Afrique portent encore leurs fruits mais pour combien de temps ? Au fond, conclut le journal, la façon dont le monde gère les crises mutliples auxquelles il est de plus en plus souvent confronté est aussi une question de point de vue. Une action sur la durée est peut-être moins spectaculaire qu'un film qui suscite la pitié mais elle est aussi plus efficace. Et il faut toujours garder à l'esprit qu'une crise désamorcée il y a quelque mois n'est pas une crise surmontée, loin de là. Le monde doit apprendre à vivre avec cet état de fait.
Le "Land Grabbing", une pratique de plus en plus controversée
La traduction française de cette expression est appropriation de terre. Un phénomène bien connu en particulier sur le continent africain. Le principe est le suivant : de riches investisseurs achètent ou prennent en bail des terres dans les pays en voie de développement soit pour assurer l'alimentation dans leur propre pays, soit pour produire du biocarburant soit pour spéculer. Désormais, ces achats de terres vont être réglementés par des directives adoptées par le Comité de la sécurité alimentaire mondiale qui dépend de l'Organisation mondiale des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, la FAO. Celles-ci doivent notamment permettre de protéger les habitants contre la perte de leurs terres. L'Allemagne qui a participé à l'élaboration du projet a insisté en particulier sur le renforcement du droit des femmes, qui doivent dans bien des pays s'accomoder d'un droit successoral et familial en leur défaveur. Ces directives sont volontaires mais la ministre allemande de l'Agriculture a prévenu qu'elles ne devaient pas rester lettre morte.
Un théâtre porteur d'espoirs
Die Welt revient sur l'attentat qui avait visé, début avril, le théâtre national de Mogadiscio, la capitale somalienne. Un évènement tragique, revendiqué par les islamistes shebabs. Le théâtre venait tout juste de reprendre son activité - auparavent, il avait longtemps servi de dépôt d'armes. L'attentat a fait neuf morts et des dizaines de blessés. Mais la Somalie refuse de se laisser démoraliser par ce nouvel acte de violence surtout que depuis le mois d'août 2011, Mogadiscio appartient de nouveau à ces citoyens et non plus aux milices shebabs. La réouverture du théâtre national était l'un des symboles de la renaissance de cette ville, un symbole de l'engagement de Jabril Abdulle qui avait réussi à réunir plus de 100.000 dollars de dons pour ce lieu. Après l'attentat, il a reçu des centaines d'appels et de mails. Artistes, hommes politiques, citoyens, tous l'ont encouragé à ne pas baisser les bras, à ne pas laisser mourir une nouvelle fois le théâtre. Une preuve de courage énorme dans un pays où les shebabs ont par exemple interdit aux radios de la capitale de diffuser de la musique, où il était interdit de danser pendant les mariages et où les artistes ont vécu ces 20 dernières années dans la clandestinité. La Chine, les Etats-Unis, le gouvernement turc ont déjà annoncé qu'ils voulaient participer à la reconstruction du théâtre. Jabril Abdulle est confiant : le jour de l'attentat, il y avait 2.000 personnes. Pour le prochain concert, il table sur le 4.000 personnes.
Auteur : Konstanze von Kotze
Edition : Fréjus Quenum