Ebola à la Une
25 septembre 2014"Sous le titre provocateur : "La maladie africaine", le quotidienBerliner Zeitung décrit la situation dramatique dans les Etats africains frappés par Ebola : "Encore une fois, les images qui nous parviennent d'Afrique sont apocalyptiques. Des personnes supposées porteuses du virus d'Ebolasont littéralement pourchassées par des gens entièrement revêtus de la tête aux pieds de costumes de protection.
Ceux qui, parmi le personnel médical, sont encore là, parlent de leurs efforts désespérés pour lutter contre l'épidémie, des habitants de bidonvilles protestent violemment contre le blocage de leurs quartiers et les mesures de quarantaine, montrant ainsi leur ignorance face à ce virus et leur superstition, écrit le journal.
Pendant ce temps, la maladie se propage à un rythme effrayant. L'économie, déjà exsangue dans les pays ravagés récemment par des guerres civiles comme en Sierra Leone et au Liberia, est complètement paralysée, les systèmes sanitaires déjà fragiles se sont effondrés. Lorsque le ministre de la Défense du Liberia a averti récemment à la tribune des Nations unies à New York que des Etats entiers sont menacés dans leur existence même, cela n'était pas une déclaration alarmiste, mais la simple vérité".
Des clichés renforcés
Ebola, le mot lui-même a une résonnance sombre et mystérieuse, écrit encore la Berliner Zeitung. Cette maladie mortelle fait peur et elle vient renforcer tous les clichés indestructibles en Occident sur l’Afrique, aussi appelée le "continent noir" ou encore le "cœur des ténèbres". L'Afrique, qui de manière endémique est frappée par des maladies, des famines et des guerres civiles.
Aujourd'hui dans un monde globalisé, Ebola fait aussi frissonner les gens dans la riche Europe. Que se passerait-il si le virus devait se propager chez eux ? Jusqu'ici l'Occident se comporte comme il l'a toujours fait quand il s'agit de l'Afrique Noire. Que lui importent les conditions de vie inimaginables des gens dans des pays tels que le Liberia ou la Sierra Leone, critique le journal. C'est pourquoi, soit le monde ignore le problème, soit il tombe dans l'hystérie et l'alarmisme. Lorsque le typhon "Haiyan" avait dévasté les Philippines une aide gigantesque avait été immédiatement mobilisée. En Afrique, par contre, une poignée d'organisations luttent, sans grand soutien international."
L'Occident a un devoir moral
"Le devoir de regarder ce qui se passe et d'aider, car on peut et on doit agir contre Ebola, poursuit le quotidien. Aussi menaçante que la maladie puisse être, ses modes de propagation et les mesures de précaution à prendre sont connus. Le journal Berliner Zeitung critique aussi les politiques d'isolement imposées aux zones contaminées. Il est absurde d'isoler du reste du monde des régions entières aussi étendues que la moitié de l'Europe. Cela leur nuit et les plonge encore plus dans le chaos économique et politique. Ce dont les pays concernés ont besoin, c'est avant tout de personnel médical, de médicaments et d'un soutien dans les campagnes d'information, ainsi qu'un minimum d'attention internationale. Toute seule, l'Afrique ne peut pas gagner la lutte contre Ebola, conclut le journal.
Un défi global
Face à ce constat, laSüddeutsche Zeitung salue la décision des Etats-Unis de renforcer leur aide dans les zones concernées, notamment au Liberia, à la Guinée et à la Sierra Leone. "Washington va envoyer environ 3.000 soldats dans ces trois pays d'Afrique de l'Ouest pour aider les autorités locales à construire 17 cliniques spécialisées, équipées chacune de 100 lits. Et au cours des six prochains mois, les Etats-Unis assureront aussi la formation spécifique de 500 aides soignants, livreront des médicaments et des produits désinfectants pour des dizaines de milliers de ménages dans les zones menacées par la fièvre hémorragique. Un engagement dont les coûts sont estimés à quelque 750 millions de dollars relève le journal. Les chiffres réels sont cependant probablement bien plus élevés, estime la Süddeutsche Zeitung qui rappelle qu'outre le Liberia, la Sierra Leone et la Guinée, qui sont les pays les plus touchés, des cas ont été également signalés au Nigeria et en République Démocratique du Congo.
Outre les Etats- Unis, d'autres Etats, dont Cuba, la France et la Grande- Bretagne, ont annoncé leur aide sous forme de personnel médical et de centres de soins. Le journal s'appuie sur les estimations de l'OMS et de l'ONU et rapporte que ce sont en tout plusieurs centaines de millions de dollars qui sont en fait nécessaires pour stopper l'épidémie. Selon l'OMS, il faudrait investir 490 millions de dollars dans cette lutte et selon les Nations unies, on aurait plutôt besoin d'un milliard de dollars. Or, jusqu'ici, seul un tiers de cette somme a pu être mobilisé.
L'Allemagne a annoncé quant à elle vouloir mettre 10 millions d'euros à la disposition de l'OMS. Dans une lettre récemment adressée à Angela Merkel, la Présidente du Liberia, Ellen Johnson-Sirleaf, a demandé à la chancelière allemande un soutien plus large et direct pour construire de nouveaux centres de traitement contre Ebola, une aide médicale et des ponts aériens. Berlin examine maintenant comment l'Allemagne peut élargir son aide.
Des réactions trop lentes
La Tageszeitung dénonce de son côté le fait que la catastrophe a été reconnue trop tard. Cela fait neuf mois maintenant que l'épidémie d'Ebola s'est déclarée en Afrique de l'Ouest : les premiers patients ont été infectés fin 2013 dans la forêt de Guinée, le virus étant probablement passé de la chauve-souris à l'homme. Ce n'est que fin février que la Guinée a officiellement rapporté les premiers décès dus à Ebola dans l'agglomération de Macenta. Le Liberia a suivi fin mars et la Sierra Leone fin mai. Pourtant, ce n'est que le 8 août que l'Organisation Mondiale de la Santé a déclaré un état d'urgence international. Du temps précieux a été perdu, regrette la taz.