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En Guinée, la CPI saisie suite à des propos d'Alpha Condé

Fréjus Quenum | Avec agences
24 septembre 2020

Des avocats du FNDC ont écrit au parquet de la CPI. Ils attaquent des propos d'Alpha Condé jugés "ethnocentristes". Mais le président obtient du soutien.

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Alpha Condé ici à Conakry, après avoir voté lors des élections législatives de 4 février 2018
Le président Alpha Condé a dédié sa candidature aux femmes et aux jeunesImage : Getty Images/AFP/C. Binani

La lettre, signée par les avocats William Bourdon et Vincent Brengarth et datée du 22 septembre, sollicite d'abord la vigilance de la CPI à l'approche des manifestations prévues dès le 29 septembre 2020 par le Front national de défense de la Constitution (FNDC). Ces manifestations ont pour objectif de contester de nouveau la candidature du président Alpha Condé à un troisième mandat.

Mais les conseils du FNDC s'attaquent aussi à des propos jugés "ethnocentristes" tenus à deux occasions différentes par le président. 

Des propos controversés

"Cette élection n'est pas seulement une élection, c'est comme si nous étions en guerre", a déclaré Alpha Condé, dont les propos en langue malinké par visioconférence à ses partisans à Siguiri, dans son bastion électoral de l'est du pays, ont été diffusés mardi soir (22.09.2020) par la télévision nationale.

Alpha Condé en 2010, lorsqu'il devenait le premier président guinéen démocratiquement élu après des années de tensions (Conakry, 21.12.2010)
Des avocats du FNDC ont signalé les propos du président Condé à la CPIImage : AP

Dans un premier discours de campagne le 19 septembre, également en malinké, Alpha Condé avait mis en garde les électeurs de Kankan (est de la guinée) contre la tentation d'apporter leurs suffrages à un autre candidat issu de cette communauté. "Si vous votez pour un candidat malinké qui n'est pas du RPG (parti au pouvoir, ndlr) c'est comme si vous votiez pour Cellou Dalein Diallo", a-t-il affirmé.

Lire aussi → Guinée : début de la campagne et interdiction de manifester

En Guinée, les Peuls et les Malinkés sont les deux principales communautés du pays, dont ils constituent plus des deux tiers des 12 millions d'habitants, selon les estimations.

Les déclarations du chef de l'Etat suscitent diverses réactions.

Alpha Condé dans le manteau du candidat

Ce jeudi (24.09.2020), depuis Dakar où il séjourne, l'opposant Cellou Dalein Diallo a accusé le président Alpha Condé "d'instrumentaliser" les divisions ethniques et d'exposer ainsi la Guinée à des violences.

Mais au sein de sa famille politique, le président reçoit du soutien. Ainsi, pour Alpha Bah Fisher, député à l'Assemblée nationale et président d'un parti membre de la coalition RPG arc-en-ciel, ce n'était pas Alpha Condé le président qui parlait.

"Il est en campagne !", assure le député.  

Alpha Bah Fisher : "Là, il porte le manteau du militant"

"Nous ne savons pas si c'est une stratégie de leur part (les 11 candidats, ndlr) pour aller à plusieurs à l'élection afin que nos électeurs puissent voter pour certains. Alors le chef de l'Etat a interpellé ses militants en leur disant tout simplement : si vous votez pour tout autre candidat, c'est que vous avez aidé l'opposition, en l'occurrence le chef de file cellou Dalein Diallo. Lorsqu'il est en campagne, c'est qu'il remet son mandat en cause ! Dès l'instant qu'il est en campagne comme le président Donald Trump (Etats-Unis) ou comme le président Emmanuel Macron (France), il n'a plus à porter le manteau de chef de l'Etat ! Là il porte le manteau du militant qui part à la conquête du pouvoir", explique Alpha Bah Fisher.

Tissu social fragile

Le sociologue guinéen Mamadou Sounoussy Diallo pense que les propos du chef de l'Etat sont de nature à alimenter les affrontements dans une société "majoritairement analphabète".

"Il vient encore fragiliser le tissu social. Je ne pensais pas qu'en tant que président qui a dirigé le pays pendant 10 ans, qui a fait 40 ans de lutte politique, qui a rejeté systématiquement tous les comportements de ses prédécesseurs, il parlerait et agirait comme il est en train de le faire, en opposant les ethnies. À un âge aussi avancé que le sien, il tient des propos comme un néophyte, un analphabète. Il a vécu toute sa vie en Europe, dans des sociétés fortement rationnelles dans le discours et dans les pratiques, je suis dépassé qu'il parle de cette façon", se désole l'expert.

Un peu plus de cinq millions d'électeurs sont attendus aux urnes. Le scrutin présidentiel est prévu le 18 octobre. Des experts électoraux de la Cédéao ont jugé que la liste électorale était prête en l'état.

Photo de Fréjus Quenum, en interview dans le studio de la Deutsche Welle à Kinshasa en RDC (05.12.2024)
Fréjus Quenum Journaliste, présentateur et reporter au programme francophone de la Deutsche Welle@frejusquenum