Entre soumission et realpolitik
2 mai 2014La presse allemande s'intéresse surtout à la visite d'Angela Merkel à Washington, sur fond de crise en Ukraine et d‘affaire Snowden.
Une photo à la Une de die tageszeitung : celle de Barack Obama dans le jardin de la Maison Blanche, il tient en laisse un caniche. Et en dessous cette légende: harmonie totale entre Angela Merkel et Barack Obama. Dans son commentaire pourtant le journal prend plutôt la défense de la chanceliere : il n'est pas surprenant, écrit-il, que le gouvernement allemand refuse de faire venir Edward Snowden en Allemagne pour qu'il y soit entendu par la commission d'enquête parlementaire sur les écoutes téléphoniques de la NSA. Mais la justification est intéressante, car elle est sincère: le partenariat avec les Etats Unis est trop important pour que Berlin le compromette par une invitation à Snowden. Ce n'est pas de la couardise, mais de la realpolitik. En refusant à Snowden l'entrée en Allemagne le gouvernement place l'intêrêt général au dessus de l'intérêt d'un individu.
La Süddeutsche Zeitung est beaucoup moins indulgente. Est-il contraire à l'intérêt de l'Etat allemand, demande le journal, d'expliquer au président américain que les écoutes de la NSA sont totalement intolérables ? Est-il déplacé, surtout en ces temps de conflit en Ukraine, de faire comprendre que Snowden serait plus en sûreté dans un Etat de droit comme l'Allemagne qu'en Russie ? La politique consiste à maitriser des difficultés, non à les éluder. Merkel les élude – et empêche que la lumière soit faite sur une attaque permanente contre les droits fondamentaux.
Angela Merkel, note la Frankfurter Allgemeine Zeitung, est donc en visite chez l'ami dont les services secrets l'ont espionnée. Mais l'affaire Snowden ne change rien à l'étroit partenariat entre l'Allemagne et les Etats Unis. Et dans la politique occidentale vis-à-vis de la Russie l'Allemagne occupe une position clé. C'est elle qui souffrira le plus d'une éventuelle extension des sanctions contre la Russie. Washington en est concient. Pour Die Welt, la nouvelle crise Est-Ouest engendrée par la situation en Ukraine peut diviser et affaiblir l'alliance occidentale. Elle peut à l'inverse la redynamiser. Cela se décidera dans les jours à venir – principalement entre Washington et Berlin.