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Esclavage : "Nombre de pays européens ont batti leur puissance sur ce crime contre l'humanité" (Younous Omarjee)

24 juin 2020

L'eurodéputé Younous Omarjee, membre du groupe parlementaire de la Gauche a été l'initiateur d'une résolution adoptée vendredi 19 juin au Parlement européen. Un extrait de la résolution reconnaît que l'esclavage est un crime contre l'humanité.

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Les eurodéputés ont admis que le moment était venu de reconnaître les crimes commis contre les personnes noires. Ainsi, pour eux, la traite négrière constitue un crime contre l’humanité. Younous Omarjee s'explique sur cette initiative (lire son interview ci-dessous).

DW : Younous Omarjee bonjour, comment vous sentez-vous après l'adoption de cette résolution par le Parlement européen, dont une partie reconnaît l'esclavage comme crime contre l'humanité, une résolution que vous avez portée et défendue ?

Younous Omarjee :  C‘est un sentiment de fierté et c'est une très grande émotion également. Cette résolution a une valeur historique aujourd'hui puisque le Parlement européen devient la première institution internationale à reconnaître que l'esclavage est un crime contre l'humanité, en faisant référence évidemment au commerce triangulaire.

Et c'est un devoir qui s'impose à l'Union européenne de réparation morale vis-à-vis des victimes de ce commerce barbare. Et pendant plus de quatre siècles, en temps de paix a été une négation de l'humanité, une abomination, un voyage de l'humanité au bout de la nuit. Et cette histoire est une histoire européenne puisqu’un très grand nombre de pays européens ont construit, bâti leur puissance sur ce crime contre l'humanité.

Le Parlement européen réuni en plénière à Bruxelles (Archives - 10.03.2020)
Le Parlement européen réuni en plénière à Bruxelles (Archives - 10.03.2020)Image : AFP/K. Tribouillard

DW : Vous l'avez signalé, il est question du commerce triangulaire, on est bien dans le cadre européen ou occidental, donc on parle de l'esclavage transatlantique et pas de l'esclavage oriental conduit par les Arabes ?

Younous Omarjee : Mais nous sommes des Européens. Il est bien évident que nous nous intéressons à ce qui concerne l'Europe. Cela ne veut pas dire que nous jetons un voile sur les autres formes d'esclavage qui sont intervenues dans l'histoire ainsi que sur les formes modernes de l'esclavage.

Mais il ne faudrait pas que cette remarque corresponde à une remarque révisionniste qui viendrait avec la volonté d'atténuer le regard sévère qu'il faut porter sur cette page sombre de l'histoire de l'Europe. Vous savez, comme je l'ai dit en plénière au Parlement européen, l'histoire de l'Europe a toujours été dans un basculement inquiétant entre la barbarie et la civilisation. L'esclavage, la colonisation, mais aussi l'Holocauste nazi, tout cela doit nous faire réfléchir.

DW : Disons que l'agenda du Parlement concernant ce vote a été guidé par la mort violente du noir américain George Floyd, n'est ce pas ?

Younous Omarjee : Bien sûr, absolument. Et c'est l'honneur du Parlement européen d'ailleurs, que d'avoir ouvert sa session plénière par ce débat, parce que les valeurs de l'Union européenne et la devise de l'Union européenne, c‘est l'unité dans la diversité.

Et nous devons toujours en permanence consolider ces valeurs d'autant plus dans un moment où nous observons avec inquiétude la résurgence de mouvements d'extrême droite partout dans l'Union européenne, parfois de mouvements fascistes, parfois de mouvements qui revendiquent le suprémacisme blanc. Et dans ce moment-là, il est très important que le Parlement européen, dans une très grande et une très belle majorité, réaffirme ses valeurs.


DW : Younous Omarjee, comment croire que cette résolution s'affranchit donc de l'émotion ambiante actuellement ?

Younous Omarjee : Ce que vous appelez l'émotion ambiante est un évènement politique parce qu'il a surgi suite au meurtre de Georges Floyd, qui s'est traduit dans le monde entier par des mobilisations pour dire les souffrances et pour exprimer une demande d'égalité.

DW : Mais que dit exactement la déclaration concernant l'esclavage?

Younous Omarjee : C‘est le point 12 de la résolution qui invite les institutions et les Etats membres de l'Union européenne à reconnaître officiellement les injustices du passé et les crimes contre l'humanité commis contre les personnes noires et les personnes de couleur, et déclare que la traite des esclaves est un crime contre l'humanité ainsi que les Roms et demande que le 2 décembre soit désigné Journée européenne de commémoration de l'abolition de la traite des esclaves, encourage les Etats membres à inscrire l'histoire des personnes noires et des personnes de couleur dans leurs programmes scolaires.

Le Bundestag, le parlement allemand à Berlin (Archives - 28.05.2020)
Le Bundestag, le parlement allemand à Berlin (Archives - 28.05.2020)Image : picture-alliance/Flashpic/J. Krick


DW : Mais ça ne passera certainement pas comme une lettre à la poste, vu que durant les élections législatives dans les différents pays, on a bien perçu une avancée de l'extrême droite qui ne laissera certainement pas passer une telle résolution au sein des parlements nationaux.

Younous Omarjee : Mais la proclamation relève du Parlement européen, donc c'est quelque chose qui est acquis.

DW : Mais les parlements nationaux ne devront ils pas se prononcer ?

Younous Omarjee : Non, non, non, s'agissant de l'inscription de l'histoire dans les programmes scolaires, il est bien évident que cela relève effectivement de la responsabilité des Etats membres.

DW : Alors, 664 députés présents, 493 pour, 104 contre et 67 abstentions. N'aurait-il pas été plus intéressant que tout le monde ait voté pour ?

Younous Omarjee : Mais je constate que la ligne de partage, c‘est finalement entre toutes celles et tous ceux qui sont des démocrates et s'inscrivent dans le cadre des valeurs fondamentales de l'Union. Mais toutes celles et tous ceux qui incarnent l'extrême droite ici, dans ce Parlement européen, ils ont voté contre.

DW : Younous Omarjee Merci.

Younous Omarjee : Merci.

Ecoutez l'interview de Younous Omarjee en cliquant sur l'image du député ci-dessus.