Former les journalistes à couvrir la menace terroriste
9 juillet 2024En Côte d’Ivoire, l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme, située à 65 kilomètres d’Abidjan, a formé depuis quatre ans quelque cinq cent militaires ouest-africains à la lutte contre les attaques djihadistes.
La création de cette institution avait été officialisée en novembre 2017 par les présidents ivoirien Alassane Ouattara et français Emmanuel Macron.
Cet établissement forme aussi les professionnels des médias qui couvrent les attaques terroristes. Mais les directives de prudence éditoriale transmises aux journalistes font redouter une tentative de placer les médias sous influence, sur une question aussi sensible.
Construit sur une superficie de 1.100 hectares, l’établissement est constitué de plusieurs bâtiments académiques, des logements et d’un amphithéâtre de 200 places. Mais aussi d’un centre d’entraînement et de formation avec des zones nautiques.
Apprendre à aborder les questions de sécurité
Des journalistes venus du Togo, du Sénégal, du Bénin, de la République démocratique du Congo et de Côte d’Ivoire ont aussi été formés au travail sur les attaques terroristes, et ceci à l'initiative de la fondation allemande Konrad Adenauer.
Adelis Geoffroy Yapi travaille pour le Programme de dialogue de politique sécuritaire en Afrique subsaharienne (Sipodi) de la fondation Konrad Adenauer.
Il justifie le choix de Jacqueville pour cette formation car "l’objectif majeur est de permettre à ces journalistes de se retrouver dans un réseau et de couvrir toutes les questions liées à la sécurité, pas seulement sur le terrorisme, mais sur les questions relatives à la sécurité en Afrique subsaharienne. Pour nous, il était important de rapprocher cette formation d’une ville qui accueille aussi un centre important comme l’Académie de lutte contre le terrorisme en Afrique."
Les attentes des journalistes
Face à la menace de groupes djihadistes qui cherchent à étendre leur influence de la région du Sahel vers celle du golfe de Guinée, le centre de Jacqueville a donc aussi décidé de former les journalistes à la couverture éditoriale de ce sujet.
Gérard Senakpon, spécialiste en stratégie de communication, affirme que les médias sont un enjeu pour les organisations djihadistes qui souhaitent diffuser leur propagande.
Selon lui, "les journalistes sont un élément important de la chaîne de communication et donc il y a une grosse attente, de la part des journalistes, pour que le travail qu’ils font ne puisse pas être un relais de ces mouvements terroristes. C’est pour ça qu’on informe les journalistes. Ceux-ci doivent savoir que dans le plan de communication de ces mouvements, ils sont une cible privilégiée."
La question de l’indépendance de la presse
Les journalistes qui sont formés sur place, semblent se féliciter du soutien qui leur est apporté.
Antoinette Ameyo, journaliste togolaise, estime que "cette formation est un plus pour nous de savoir quelle information partager avec la population pour ne pas faire paniquer les gens, mais plutôt apaiser la situation dans notre sous-région aujourd’hui."
Pourtant, cette volonté d’encadrer le travail des journalistes peut laisser redouter une tentative de contrôler la couverture éditoriale des attaques terroristes.
Le journaliste et analyste André Sylver Konan invite ainsi les journalistes à ne pas s’autocensurer puisque "en censurant les médias, en mettant des restrictions sur leurs façons de traiter l’information liée à certains conflits, cela sert finalement le terrorisme. Donc ceux qui font l’apologie du terrorisme sont ceux qui ne font pas leurs devoirs régaliens de résolution de certains problèmes qui servent justement de justificatif au terrorisme. En fin de compte, qui fait l’apologie du terrorisme ? C’est la question."