Franz Beckenbauer, légende du football, est mort
8 janvier 2024"Pour le football allemand, il a été et restera un pur bonheur. Il n'y a jamais eu quelqu'un de meilleur. Il n'y aura jamais quelqu'un de meilleur". C'est ce qu'écrivait le compagnon de route Günter Netzer à l'occasion du 65e anniversaire de Franz Beckenbauer en 2010.
Ce dimanche (07.01), il s'est éteint à l'âge de 78 ans, a annoncé ce lundi la fédération allemande (DFB).
Franz Beckenbauer "va nous manquer", a affirmé le chancelier allemand Olaf Scholz.
En tant que footballeur, Franz Beckenbauer, né en 1945 à Munich, a été pendant des années le maître incontesté du terrain. Son surnom laisse peu de doute à la ferveur que lui vouaient les supporters : "Kaiser Franz", l’empereur Franz.
Il existe différentes versions sur l'origine de son surnom. Lui-même aimait raconter qu'en 1971, en marge d'un match amical du Bayern Munich à Vienne, il avait posé pour les photographes à côté d'un buste de l'empereur d’Autriche François Ier.
D'autres désignent la finale de la coupe 1969 contre le Schalke 04 comme l'heure de naissance du "Kaiser Franz". Sifflé par les supporteurs de Schalke 04 après une faute sur Reinhard "Stan" Libuda, surnommé alors le "roi de Westphalie", Beckenbauer répond en jonglant avec le ballon pendant 40 secondes devant le virage des fans de Schalke. Pour décrire cette provocation après la faute sur le roi, des journalistes auraient choisi de couronner le Munichois du surnom "empereur".
"J'étais considéré comme arrogant"
Franz Beckenbauer a marqué comme personne d'autre le poste du libéro. Le torse bombé, la tête levée, il organisait et accélérait le jeu grâce à ses longues passes, souvent frappées de l'extérieur du pied. Si les fans de football reconnaissent que Beckenbauer était à son époque l'un des meilleurs joueurs du monde, il n'est jamais devenu le chouchou du public. "Je passais pour un arrogant avec un style de jeu arrogant", se souvient-il.
Franz Beckenbauer a toujours eu le FC Bayern dans la peau. A l'âge de 13 ans, il rejoint le club avec lequel il connaîtra ses plus grands succès à la fin des années 60 et dans les années 70.
Capitaine de l'équipe de 1970 jusqu'à son départ de Munich en 1977, il a raflé titre sur titre : quatre fois champion d'Allemagne, quatre fois vainqueur de la Coupe d'Allemagne, vainqueur de la Coupe d'Europe des vainqueurs de coupe en 1967, trois fois de suite vainqueur de la Coupe d'Europe des clubs champions de 1974 à 1976, vainqueur de la Coupe du monde en 1976.
Champion du monde et d'Europe
A partir de 1971, Beckenbauer porte également le brassard de capitaine de l'équipe nationale. Il est le premier à disputer plus de 100 matchs internationaux avec la Mannschaft, soit 103 rencontres au total. A côté d'autres stars du Bayern comme Sepp Maier, Paul Breitner, Uli Hoeness et Gerd Müller, il remporte le titre de champion d'Europe en 1972 et la Coupe du monde à domicile en 1974.
En fin de carrière, Beckenbauer rejoint le championnat américain, où il évolue aux côtés de la superstar brésilienne Pelé et est sacré trois fois champion des États-Unis.
Son cinquième titre de champion d’Allemagne, le Kaiser le remporte en 1982 avec Hambourg, même s’il n’aura joué que peu de matchs cette saison-là.
Beckenbauer disputera la dernière saison de sa carrière avec les Cosmos de New York. Le quart de finale perdu du championnat américain en septembre 1983 sera son dernier match officiel.
Le sélectionneur des champions du monde
Le journaliste sportif allemand Hans Blickensdörfer a écrit un jour que Beckenbauer était déjà un entraîneur dans l'âme lorsqu'il était encore joueur sur le terrain.
Un an seulement après la fin de sa carrière de joueur, le Kaiser passe ainsi sur le banc de touche en 1984, en tant que chef d'équipe de la Nationalmannschaft. Ce poste est créé sur mesure par la fédération de football allemande DFB, car Franz Beckenbauer n’a alors jamais suivi de formation d’entraîneur. Il obtiendra par la suite sa licence d'entraîneur à titre honorifique.
En 1986, au Mexique, la sélection allemande termine vice-championne du monde sous la direction de Beckenbauer.
Quatre ans plus tard, en 1990, l'image de Franz Beckenbauer après la victoire 1-0 contre l'Argentine en finale de la Coupe du monde à Rome, marchant seul sur la pelouse, les mains dans les poches, plongé dans ses pensées, fera le tour du monde. Le Kaiser a mené une "bande de scouts", comme l'avait raconté le capitaine de l'époque Lothar Matthäus : "Nous, les joueurs, avons fait confiance en tout ce que nous disait Franz".
La Coupe du monde de 2006 en Allemagne
Il a longtemps semblé que tout ce que Franz Beckenbauer touchait se transformait en or. A deux reprises, il occupe le poste d'entraîneur intérimaire du FC Bayern : en 1994, il remporte le titre de champion après le licenciement d'Erich Ribbek, et en 1996, il remporte la Coupe UEFA avec les Munichois en succédant à Otto Rehhagel. A cette époque, Beckenbauer est déjà président du club bavarois, qu’il aura dirigé au total pendant 15 ans.
Il dirige ensuite le comité de candidature pour la Coupe du monde de 2006, qu’il parvient à faire venir en Allemagne. Le magazine Der Spiegel le qualifie à l'époque de "ministre allemand des Affaires étrangères de substitution (...) capable de faire de la politique sans se fatiguer, comme lorsqu’il jouait au football".
La signature de Beckenbauer sous des documents compromettants
C'est ce même hebdomadaire qui, en 2015, fait tomber Franz Beckenbauer de son piédestal.
Der Spiegel révèle l'existence d'un paiement de plusieurs millions de dollars effectué par le comité de candidature allemand avant l'attribution de la Coupe du monde.
L'argent aurait servi à acheter des voix. Le DFB dément cette information, mais reconnaît le paiement. Après de longues hésitations, Franz Beckenbauer finit par rompre le silence : "En tant que président du comité d'organisation de l'époque, j'assume la responsabilité de cette erreur", explique-t-il. Mais selon lui, il n'y a pas eu d'achat de voix. Une enquête au pénal montrera des documents compromettants portant sa signature. "J'ai toujours signé aveuglément, j'ai même donné des blancs-seings", a affirmé Franz Beckenbauer.
Problèmes de santé
Suite à l'affaire de la Coupe du monde, il se retire de la vie publique. Franz Beckenbauer est père de cinq enfants issus de différentes relations. Son fils Stephan décède en 2015 à l'âge de 46 ans d'une tumeur au cerveau. "Cela a été la plus grande perte de ma vie", confiera Franz Beckenbauer. "Je ne sais pas si on peut un jour surmonter la mort de son enfant. Probablement pas".
Ces dernières années, ses propres problèmes de santé se sont multipliés. En 2016 et 2017, il subit une opération du cœur. Avant son décès, il ne voyait plus de l'œil droit. "Il a beaucoup souffert, notamment du cirque autour de sa personne", avait alors déclaré Uli Hoeness, président du Bayern et compagnon de route de longue date. "Il a fait des choses incroyables et n'a rien mis dans sa poche. Il faudra bien que le calme revienne un jour. On devrait le laisser vivre en paix".
A cause de la détérioration de son état de santé, Franz Beckenbauer n'assistera pas à la cérémonie funéraire d'Uwe Seelers en août 2022, ni à l'enterrement de la légende du football brésilien Pelé en janvier 2023. "Je garderai mon ami dans mon cœur”, avait-il raconté.
Il y a quelques années, on a demandé au Kaiser du football allemand s'il avait des regrets dans sa vie. Beckenbauer avait alors répondu : "Des regrets ? Comment ça ? Non !"