Général Diendéré: "Je regrette surtout les victimes"
23 septembre 2015Le chef des putschistes du Burkina Faso, le général Gilbert Diendéré, a accordé une interview à la Deutsche Welle. Alors que les autorités de transition ont été réinvesties dans leurs fonctions à Ouagadougou, le chef des putschistes regrette les "pertes en vies humaines et les dégâts matériels". Mais il espère que les anciens proches de Blaise Compaoré et membres du CDP pourront participer au processus électoral à venir. Et que les putschistes seront amnistiés. Cliquez sur la photo ci-dessus pour entendre l'interview ou lisez-la ci-dessous. Pour réagir, envoyez un courriel à francais[at]dw.de
DW: Général Diendéré, bonjour.
Diendéré: Bonjour.
DW: Comment vous sentiez-vous ce soir, après vous être entretenu avec les présidents nigériens, béninois ?
Diendéré : Oui, j’ai pu rencontrer les médiateurs de la CÉDÉAO, nous avons échangé nos points de vue, et ils m’ont fait le point de tout ce qui a été décidé à Abuja lors du sommet. Donc je leur ai également donné notre point de vue, je pense que nous nous sommes compris.
DW : Est-ce à dire que vous comptez toujours sur une amnistie ?
Diendéré : Oui, une amnistie serait souhaitable. L’amnistie nous a été proposée par la CÉDÉAO, si cela peut être fait, c’est tant mieux. Il y a d’autres dispositions qu’il faut prendre : rassurer tout un chacun, rassurer les uns et les autres, et si cela est fait je crois que le problème sera totalement réglé.
DW : Le Premier ministre de la transition, Isaac Zida ,a dit encore aujourd’hui que le RSP ne pouvait pas rester en l’état. A quoi est-ce que vous vous attendez et quelle est votre marge de négociation encore aujourd’hui ?
Diendéré : Nous allons continuer. En fait ces deux sujets doivent, devraient, être discutés dans les jours à venir. Nous en avons parlé aux chefs d’État, et nous verrons quelles sont les dispositions qu’il faut prendre dans ce sens.
DW : Mais est-ce que vous regrettez une semaine après ce putsch ?
Diendéré : Je regrette surtout les victimes, il y a eu des pertes en vies humaines, il y a eu des dégâts matériels. Je regrette profondément cela. Maintenant, quant au putsch lui-même, c’est vrai, un putsch n’est jamais souhaité lorsque l’on parle de démocratie. Mais il y a eu quand même un éveil des consciences, et cela est un aspect, je dirais, positif.
DW : Qu’est-ce que le Burkina Faso retire de positif de cette semaine, selon vous ?
Diendéré : Je parlais plutôt de l’éveil des consciences. Dans les raisons que nous avons évoquées, nous avons parlé de l’exclusion, l’exclusion qui n’est pas souhaitée dans les démocraties, or, malheureusement, une exclusion était en marche au Burkina Faso.
DW : Vous parlez des anciens membres du CDP qui s’étaient vu exclus de la présidentielle ?
Diendéré : Par exemple, oui.
DW : Et vous pensez, que cette fois-ci, même si il y a un report des élections, le CDP ou des anciens proches de Compaoré pourront se représenter ?
Diendéré : Enfin, je ne dis pas forcément qu’ils pourront se représenter, mais le principe d’exclure est déjà dénoncé et je pense que c’est cela qui est très important.
DW : Et est-ce que maintenant vous pouvez envisager un avenir par la voie des urnes, plutôt que par celle des armes ?
Diendéré : Personnellement je ne suis pas intéressé par un pouvoir quelconque, donc ce n’était pas là mon objectif.
DW : Et vous pensez maintenant que la transition pourra se terminer d’ici à la fin de l’année, et que le Burkina ira réellement aux élections dans les prochaines semaines ?
Diendéré : C’est ce que nous souhaitons, ce que nous avions souhaité depuis fort longtemps, et que la transition se déroule dans de bonnes conditions, mais malheureusement, il y a eu certaines dispositions qui ont été prises, qui font que il y a eu une déviation et c’est ce qui a amené tout cela.
DW : Mais à quelques semaines des élections, est-ce que ça n’était pas dangereux de remettre tout en question alors que des élections se préparaient ?
Diendéré : Mais si vous organisez des élections qui ne sont pas transparentes, qui ne sont pas démocratiques, des élections où l’on exclut une partie des électeurs, je ne sais pas si l’on peut appeler cela « élections démocratiques ».
DW : Et qu’allez-vous faire, vous, dans les prochains jours ?
Diendéré : Nous allons continuer de discuter avec les uns et les autres, parce qu'il y a des modalités pratiques de mise en place des décisions que nous devons discuter, nous pensons pouvoir continuer à débattre sur ces points-là.
DW : C’est-à-dire que vous n’envisagez pas de partir en exil ?
Diendéré : Cette question sera discutée en temps opportun.
DW : Je vous remercie !
Diendéré : Merci.
Le général Gilbert Diendéré était interviewé par Sandrine Blanchard.