Plus d'un milliard dans des valises : Guy Nzouba-Ndama jugé
18 octobre 2022Au Gabon, l'opposant Guy Nzouba-Ndama avait été interpellé fin septembre, au poste-frontière de Kabala, en provenance du Congo, alors qu'il rentrait au Gabon avec plus d'un milliard 190 millions de francs CFA dans ses valises.
Au Gabon, un premier procès de Guy Nzouba-Ndama, ancien président de l'Assemblée nationale gabonaise et actuel président du parti Les Démocrates, s'est ouvert cette semaine à Franceville. Il doit répondre de trafic illégal de marchandises, pour avoir enfreint le code des douanes.
Posséder des milliards, ce n'est pas interdit
Guy Nzouba-Ndama ne nie pas avoir transporté toutes ces petites coupures du Congo vers le Gabon. L'un de ses avocats, Martial Loundou Dibangoyi, a rappelé au lendemain de son interpellation la "moralité" de son client et que, par ailleurs, qu'il n'est pas interdit de faire circuler des biens au sein de l'espace CEMAC.
"Avec un milliard, on peut faire beaucoup de choses", déclarait alors l'avocat à la télévision. "On peut se marier, on peut construire des maisons, on peut aider des gens, on peut financer son parti politique, on peut se présenter à une élection, on peut construire une maison."
Mais le prévenu aurait omis de déclarer ses valises de billets à la douane.
Guy Nzouba-Ndama doit donc s'expliquer devant la justice. Un autre de ses avocats, Me Lubin Ntoutoume, qui l’a défendu devant le tribunal correctionnel de Franceville, déclare au micro de la DW : " [Notre client] a expliqué qu'il revenait d'une transaction immobilière au Congo qui s'est très, très bien déroulée. Nous avons apporté toutes les preuves à la barre de la provenance licite des fonds en question qui sont des fonds propres, à lui, qui correspondent à la transaction. Pour nous, les faits de contrebande qui nous sont reprochés ne sont pas constitués dans ce dossier."
Le parquet de la République a requis mardi six mois de prison avec sursis et une amende équivalente au double des sommes saisies lors du contrôle de Guy Nzouba-Ndama, soit deux milliards 380 millions. Le délibéré a été renvoyé au 25 octobre.
Vice de procédure
La défense de Guy Nzouba-Ndama dénonce une violation de procédure : "Nous avons demandé l'annulation du procès-verbal établi qui était en totalité irrégulier sur le plan de la forme", ajoute Me- Lubin Ntoutoume, qui se dit "serein" et avoir "confiance" en la "lucidité" de la justice.
Les avocats de la défense dénoncent l'arrestation filmée "devant public" puis diffusée sur internet. Or, selon les avocats, ces images "traumatisantes" constituent une "agression morale" pour leur client, septuagénaire et filmé sans qu'on lui demande son avis.
Un deuxième procès, plus important, se tiendra à Libreville, lors duquel Guy Nzouba-Ndama sera accusé notamment d'entente avec une puissance étrangère, d'association de malfaiteurs et de tentative de corruption.
Car certains pensent que l'argent qu'il transportait provenait de la présidence congolaise, pour financer la candidature des Démocrates à la présidentielle gabonaise de 2023.
La main de Sassou Nguesso
Andrea Ngombet, fondateur du "Collectif Sassoufit", explique que ce ne serait pas la première fois que Denis Sassou Nguesso finance des mouvements de rébellion ou d'opposition dans des pays de la sous-région.
D'autant que son animosité envers Ali Bongo est de notoriété publique. Selon Andrea Ngombet, cette animosité remonte à la succesion d'Omar Bongo : "L'héritage de feu Bongo père devait être partagé entre les héritiers des différents mariages du président Bongo. Et l'un des derniers mariages était celui avec la fille Sassou Edith Lucie Bongo Odimba. Cette succession s'est très mal passée. Il est de l'intérêt du président Sassou de rétablir, en quelque sorte, ce qu'il estime être son droit de succession sur le Gabon."
S'agirait-il ainsi que d'une histoire personnelle et familiale ? "Au départ, c'est presque toujours ça", estime Andrea Ngombet. "Et après, il y a des intérêts plus stratégiques car à chaque fois que le Congo a été déstabilisé, les armes ont transité par le Gabon."
Il n'est pas certain que les procès intentés à Guy Nzouba-Ndama seront terminés lors de la présidentielle de 2023, à laquelle il entendait se présenter. Sa mise hors-jeu électorale pourrait contenter non seulement le camp du président sortant, mais aussi de Jean Ping et d'autres grandes figures de l'opposition gabonaises qui voient un rival de taille écarté de leur route.