Guerre en Ukraine : comment des citoyens mènent l'enquête
29 avril 2022Ils décryptent des images satellites, suivent des liaisons aériennes sur l’application Flight Tracker, analysent des vidéos sur TikTok, ou repèrent la présence de soldats russes sur l’application de rencontre Tinder, le tout pour comprendre ou vérifier les informations qui circulent sur la guerre en Ukraine.
Les détectives citoyens documentent ainsi des mouvements de troupes, une attaque de missile et ainsi de possibles crimes de guerre.
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Ils pratiquent ce que l’on appelle la "Open Source Intelligence", traduisez : un travail de renseignement basé sur des informations disponibles et libres d’accès pour le grand public.
C’est le cas de l’Américain Justin Peden, à peine 20 ans, et l’une des stars parmi les détectives sur Twitter, où il est suivi par plus de 250 000 followers sous le pseudonyme de "Intel Crab".
Géolocalisation
Depuis 2014 et l’annexion de la Crimée par la Russie, il est fasciné par le conflit en Ukraine. Aujourd’hui, Justin Peden donne des interview aux médias du monde entier, une télévision japonaise veut même tourner un documentaire sur son travail, chez lui, dans l’Alabama.
L’étudiant n’est jamais allé en Ukraine. Il dit pourtant connaître la géographie du pays par cœur.
La géolocalisation est en effet au centre de ce travail de détective, en vérifiant souvent le lieu et la date d’un événement filmé ou photographié. Un fact-checking qui peut permettre de contrer les tentatives de propagande, même s’il est aussi accompagné de risques.
En effet, géolocaliser une personne filmant des soldats ennemis pourrait l’exposer à des vengeances.
Des preuves juridiques ?
Les gouvernements et les services secrets reconnaissent également la force de l’information collective. Grâce à une application du gouvernement ukrainien appelée Diia, les citoyens peuvent désormais télécharger des images et des vidéos géolocalisées des mouvements de troupes russes. Kiev dit ainsi recevoir des dizaines de milliers de messages par jour.
Reste à savoir si un jour les tribunaux pourront considérer le travail des détectives comme étant des preuves. Justin Peden espère voir ses tweets servir de preuve devant un tribunal pénal international.
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Pour y parvenir, l’Université de Berkeley en Californie travaille sur un protocole qui définirait les normes à respecter par ces enquêteurs citoyens pour se procurer, traiter et conserver les informations en Open Source.
Car la médaille de la démocratisation de l’accès à l’information a aussi un revers : celui qu’une personne mal intentionnée puisse également s’improviser détective.