Trois ans de transition militaire en Guinée
5 septembre 2024Il y a trois ans, Alpha Condé était renversé par un coup d'Etat en Guinée. Depuis, le pays est dirigé par un gouvernement militaire de transition avec à sa tête Mamadi Doumbouya, qui s'est fait nommer général des corps d'armée début 2024...
Répression de la société civile
Cette dernière année de gestion du pays par le Conseil national pour le Rassemblement et le Développement (CNRD) est particulièrement critiquée par des citoyens et acteurs de la société civile, à cause, disent-ils, des violations flagrantes des droits humains en Guinée.
L'arrestation et l'emprisonnement du secrétaire général du Syndicat des Professionnels de la presse privée de Guinée, SPPG, en janvier, la fermeture de grands médias du pays, comme Hadafo Media, FIM FM et le groupe Djoma TV au mois de mai, et les arrestations répétitives d'activistes de la société civile par le pouvoir militaire en place, ont été régulièrement dénoncés par divers défenseurs des Droits de l'Homme nationaux et internationaux.
Deux militants toujours disparus
Un fait plus grave s'est produit le 9 juillet dernier à Conakry. Deux cadres du Front national pour la défense de la constitution, le FNDC, engagés en faveur d'un retour rapide d'un pouvoir civil élu aux manettes de la Guinée, ont été enlevés en pleine nuit à leur domicile, par des hommes en uniformes encagoulés.
Voilà bientôt deux mois que Oumar Sylla alias Foniké Mengué et Mamadou Billo Bah n'ont pas donné signe de vie. Leurs familles s'inquiètent et dénoncent une "disparition forcée”.
Dr Edouard Zotomou Pogomou, vice-président de la coalition d'opposition, l'Alliance nationale pour l'alternance et la démocratie, ANAD, accuse le pouvoir du général Mamadi Doumbouya d'être derrière ce coup.
"Nous ne pouvons voir que le CNRD qui est aux commandes qui est à la base de la disparition et de Billo Bah et de Foniké Mengué, personne d'autre", estime l'opposant.
"Quand nous avons vu justement le système judiciaire en la personne, je crois du procureur, qui essayait de dédouaner les institutions étatiques, moi j'ai trouvé que c'était pathétique."
"Courage politique" pour le procès massacre du 28 septembre 2009
Ouvert le 28 septembre 2022 au tribunal de Dixinn délocalisé à la cour d'appel de Conakry, le procès criminel du massacre de 2009 au stade de Conakry a quant à lui livré son verdict le 31 juillet 2024.
Il a abouti à la condamnation pour crime contre l'humanité du capitaine Moussa Dadis Camara, de son ancien aide de camp Aboubacar Diakité dit Toumba et de plusieurs de leurs coaccusés avec lesquels ils dirigeaient le pays en 2009.
Alseyni Sall, le porte-parole de l'organisation guinéenne des Droits de l'Homme, OGDH, salue le "courage politique” du CNRD sur ce dossier.
"Il y a un point positif sur lequel on peut féliciter le CNRD, c'est le courage politique qu'ils ont eu pour organiser le procès du 28 septembre, 13 ans après les faits. Ça demande quand même que dans nos Etats, la volonté politique reste un élément essentiel sur les questions de crimes de sang", se félicite le défenseur des droits humains
Interrogations sur les ambitions politiques de Doumbouya
Le 29 juillet dernier, la junte militaire au pouvoir a présenté l'avant-projet de nouvelle constitution, qu'elle souhaite voir voté d'ici fin 2024.
Après la publication de ce document de 205 articles, des interrogations autour d'une éventuelle candidature du général Mamadi Doumbouya à la prochaine élection présidentielle en Guinée ont suscité le débat.
Pour Ibrahima Balaya Diallo, des Forces vives de Guinée, cette question ne se pose pas, d'autant plus que Doumbouya lui-même avait pris l'engagement que ni lui, ni aucun membre de son gouvernement de transition ne participera aux futures échéances électorales.
"Maintenant s'il se dédit, on va le lui rappeler", prévient le militant.
Manifestations à Conakry
Les Forces vives de Guinée ont de nouveau appelé à manifester pour dénoncer la répression et exiger le retour à l'ordre constitutionnel avant la fin de l'année.
Des blindés de l'armée patrouillent depuis hier soir dans les rues de Conakry où la journée de mercredi a été marquée par des affrontements entre la police et des manifestants.
Une femme a été tuée par balle alors qu'elle était dans un taxi dans le quartier de Sonfonia, au nord de la capitale.