Génération 2010 : les jeunes de l'Allemagne réunifiée
28 septembre 2010Lorsque Matteo Brossette émerge le matin, il n'a pas une minute à perdre : sauter sous la douche, enfiler vite des vêtements et avaler en quatrième vitesse un bol de café... la cloche du lycée a généralement déjà sonné quand il passe la porte de la maison. « Heureusement que j'habite à 20 mètres de l'école, explique-t-il, le chemin est aussi long que celui de la salle des profs à la classe. » Matteo est élève au lycée Irmgardis de Cologne, dans le quartier de Bayenthal, où vivent des familles plutôt aisées.
Une page d'histoire pour les élèves
Petra Linßen enseigne l'histoire. Le thème du jour est justement le passé récent de l'Allemagne. Lorsqu'elle demande à ses élèves : « Qui s'est déjà rendu à l'emplacement du Mur de Berlin ? », entre la moitié et les deux tiers répondent positivement. « Dans la partie ouest de Berlin, le mur était tout coloré, savez-vous à quoi il ressemblait à l'est ? » poursuit-elle. Un élève répond : « Il n'y avait rien du tout. » Une camarade ajoute : « On ne pouvait pas accéder au mur. » Effectivement, il était interdit de s'approcher de la barrière précédée d'un no man's land et surveillée par des miradors.
RDA, chute du Mur, réunification – ces mots, les jeunes de 17 et 18 ans les connaissent surtout d'après des films. Mais l'unité allemande est bien une réalité pour eux : « Je ne crois pas que le mur soit encore dans les têtes, affirme un élève. J'ai grandi avec l'idée que nous sommes unis. » Les autres approuvent d'un signe de tête.
Peu de différences
Thomas Gensicke est sociologue à l'institut TNS Infratest de Munich. Le chercheur estime que 20 ans après la réunification, la jeunesse allemande forme une population relativement homogène. Mais en y regardant de plus près, on se rend compte que ceux de l’ouest sont souvent mieux lotis financièrement. Selon une étude récemment publiée, les jeunes sont moins optimistes quant à leur avenir dans l'est du pays. Pour Thomas Gensicke, il n'y a rien d'étonnant à cela, étant donné que « le taux de chômage des jeunes y est deux fois plus élevé ».
Matteo, pour sa part, n'a pas de souci à se faire d'un point de vue matériel. L'adolescent a des ambitions scolaires : il veut décrocher son baccalauréat avec la meilleure note possible, étudier l'architecture et s'installer à Madrid, la ville de ses rêves.
Les jeunes de l'est plus politisés
La musique est également une grande passion pour Matteo. Il s’intéresse vaguement à la politique, mais ne se définit pas pour autant comme « engagé ». Récemment, lors d’un concert d’électro-punk à Leipzig, il a remarqué que la jeunesse est-allemande était bien plus politisée : « Il y avait beaucoup de tee-shirts du style « Les raveurs contre la droite » ou « Faites l’amour, pas la guerre », raconte-t-il. Nous, on n'en porte que pendant les manifestations. Je crois que chez eux, c’est des choses qu’on met dans la vie de tous les jours ».
Josephine, une amie de Matteo, a fait le même constat – avec l’autre extrémité de l’échiquier politique. Les jeunes qu’elle a croisés affichaient clairement leur allégeance à la droite radicale : « J’étais il y a peu à Usedom, une île du nord-est. Lors d’une fête de village, les habitants se sont mis à écouter des titres de Böhze Onkelz, un ancien groupe skinhead. J’ai trouvé ça choquant. En plus, j’en voyais qui portaient des tee-shirts à l’effigie de groupes d’extrême-droite. »
Les jeunes de l'ouest plus proches du « système fédéral »
L’extrême-droite reste minoritaire à l’est, rappelle Thomas Gensicke. Le chercheur note néanmoins une tendance : les jeunes y sont plus critiques envers le système politique, économique et social de la République fédérale. Alors, Josephine, prête à faire tes valises pour t’installer à l’est ? « Oui, pourquoi pas, je suis ouverte. Mais plus tard, j’aimerais bien habiter dans une grande ville. » Josephine fait figure d'exception. La plupart des jeunes de l'ouest considèrent en effet que l’ex-RFA offre de meilleures perspectives de formation et d’emploi. Un point de vue d’ailleurs partagé par leurs compatriotes de l’est.
Auteurs : Birgit Görtz, Donatien Huet
Edition : Anne Le Touzé