Israël et le Hamas : l'entre-deux des Etats du Moyen-Orient
30 novembre 2023L'avenir de la bande de Gaza et des territoires palestiniens en général intéresse au plus haut point et de nombreux gouvernements échafaudent en ce moment des scénarios, mais dans le monde arabe, les autorités font souvent preuve de réserve et hésitent à se prononcer. Pourquoi cette question de l'après-conflit est-elle si délicate ?
L'exemple de la Jordanie
Le chef de la diplomatie jordanienne a déclaré sans ambage que la guerre menée par Israël contre le Hamas dans la bande de Gaza était une agression évidente" contre les civils palestiniens et qu'elle risquait de déstabiliser l'ensemble du Proche-Orient.
Pour la Jordanie, si Israël empêche le ravitaillement des Gazaouis en médicaments, en nourriture, en carburants, l'Etat hébreu se rend coupable de "crimes de guerre". Amman ne souhaite pas accueillir de nouveaux réfugiés palestiniens par milliers.
Le conflit en cours a détérioré les relations diplomatiques de la Jordanie avec Israël.
Et celles d'autres Etats arabes de la sous-région. Le fait que le Hamas soit considéré par l'Allemagne, l'Union européenne et les Etats-Unis comme une organisation terroriste ne change rien : de nombreux ressortissants des pays arabes ressentent une solidarité viscérale avec le peuple palestinien.
Empathie pour les civils palestiniens
Eckart Woertz, directeur d'études sur le Proche-Orient à l‘Institut Giga de Hambourg, explique que les dirigeants arabes ne peuvent ignorer leur opinion publique. D'après lui, "les pays du Golfe doivent verser quelques larmes de crocodile ; eux non plus n'aiment pas le Hamas qui est une branche locale des Frères musulmans, une organisation considérée comme terroriste en Egypte, en Arabie Saoudite et dans les Emirats arabes unis". Mais d'un autre côté, souligne-t-il, "il existe une empathie avec la population gazaouie et une pression énorme au sein de leur propre société."
Une responsabilité périlleuse
Les Etats du Proche ou Moyen-Orient renâclent à assumer quelque responsabilité politique ou militaire que ce soit à Gaza, après le conflit. Ils ne veulent pas risquer de se mettre à dos la population gazaouie qui pourrait garder des accointances avec le Hamas, même en cas de victoire d'Israël. Pas question dès lors d'envoyer des troupes arabes sur place, par exemple.
Même chose pour le financement de la reconstruction d'une bande de Gaza exsangue. Selon le politologue Nicolas Fromm, de l'Université Helmut-Schmidt de Hambourg, les Etats du Golfe ne misent plus sur la "diplomatie du carnet de chèques".
"Ça c'était il y a dix ou quinze ans, explique le chercheur. Les pays du Golfe dépensaient sans compter et étaient prêts à investir beaucoup d'argent dans des projets politiques. Mais ils ont revu leur stratégie économique car les populations de ces pays ont commencé à se dire qu'elles ne voulaient pas dilapider leur capital et celui de leurs enfants dans des expériences hasardeuses. Elles appellent à une gestion plus prudente."
La "solution à deux Etats" comme lointaine sortie
En revanche, une propagation du conflit à d'autres pays n'est pas exclue étant donnée la politique hostile à Israël de l'Iran et ses alliés régionaux (Hezbollah au Liban, Huthis au Yémen, milices pro-iraniennes en Irak).
En ce cas, les puissances sunnites pourraient finalement décider d'appuyer davantage le processus de pacification, y compris par des investissements, afin de garantir un avenir serein aux Palestiniens et se prémunir eux-mêmes d'une contagion par la violence.
Eckart Woertz estime ainsi que seule une "solution à deux Etats" pourrait convaincre les pays de la sous-région d'investir. C'est-à-dire si l'Etat palestinien constitué cohabitait réellement, pacifiquement, aux côtés d'Israël.