Hantés par le passé
6 juin 2019Les cérémonies de commémoration des 75 ans du débarquement de Normandie sont largement relayées par la presse allemande.
Les éditorialistes reviennent également sur les demandes de réparations de la Grèce à l'Allemagne. Mais commençons cette revue de la presse allemande par la prochaine ouverture du Humboldt-Forum, un nouveau musée des arts premiers très polémique, à Berlin.
Souvenir de la colonisation
Le Humboldt Forum devait ouvrir ses portes au mois de novembre, avec une exposition sur l'ivoire. Le musée est actuellement en construction à un endroit névralgique de la capitale, après des années de polémique sur l'utilisation de ce lieu hautement historique et sur la forme architecturale que devait avoir le bâtiment.
La Süddeutsche Zeitung relate que de nombreux musées étrangers ne sont pas disposés à prêter au Humboldt Forum les 150 pièces en ivoire qu'il souhaitait leur emprunter pour sa toute première exposition.
Ce musée est un projet pharaonique, les travaux ont coûté près d'un demi-milliard d'euros, pour reconstituer un château emblématique de Berlin qui avait été détruit au XXè siècle. Et il doit accueillir des œuvres du monde entier en provenance notamment d'Afrique… alors même que fait rage en ce moment la discussion sur une possible restitution de ces œuvres aux pays d'où elles proviennent.
"Ce projet culturel est l'un des plus ambitieux de ces dernières décennies en Allemagne", écrit la Süddeutsche Zeitung qui estime qu'il aurait mieux valu repousser l'inauguration le temps de mettre sur pied un concept convaincant plutôt que de fêter l'ouverture d'une coquille vide et hors de prix.
Souvenir du débarquement de Normandie
"La lumière de la liberté", c'est le titre choisi par cette même Süddeutsche Zeitung pour évoquer le "D-Day", où "Jour J", du nom donné au débarquement des Alliés, en juin 1944, sur les côtes normandes pour venir à bout de l'Allemagne hitlérienne.
Le journal relève le caractère tristement comique de la présence, aux célébrations, de Donald Trump et Theresa May. Tous deux viennent représenter deux nations fondatrices de la démocratie moderne, venues sauver la liberté en 1944, alors qu'ils incarnent eux-mêmes des valeurs bien éloignées : respectivement l'idéologie de l' "Amérique d'abord" et "l'hystérie du Brexit".
"Pour l'Allemagne, poursuit le quotidien, ce serait l'occasion d'en profiter pour faire montre d'une chose que nous ne maîtrisons pas bien : l'humilité".
Double page de reportages en Normandie dans die tageszeitung. La taz a rencontré des témoins de l'époque et raconte la manne touristique que représente le D-Day pour la région, popularisée par plusieurs films de fiction.
Le journal raconte les efforts pour garder cette mémoire historique vivante, notamment auprès des jeunes, sans toutefois tomber dans l'effet "Disneyland".
Souvenirs à réparer?
Histoire encore, et toujours en lien avec la Seconde guerre mondiale : la Frankfurter Allgemeine Zeitung explique pourquoi la Grèce réclame maintenant des réparations à l'Allemagne pour la période allant de 1941 à 1944, c'est-à-dire l'époque de l'occupation de la Grèce par l'Allemagne nazie.
Il s'agit de dédommager les victimes grecques et leurs proches, de réclamer le remboursement d'un emprunt forcé imposé à la Grèce par la force d'occupation ainsi que la restitution de biens archéologiques et culturels spoliés – soit en tout environ 300 milliards d'euros d'après l'estimation d'une commission parlementaire grecque.
Pour la FAZ le moment n'est pas choisi au hasard pour réclamer cette dette à l'Allemagne : le 7 juillet, il y aura des élections législatives en Grèce. Et selon la FAZ, il est clair que le Premier ministre Tsipras, donné perdant, essaie de ressortir ce dossier pour ratisser des électeurs.