Helmut Kohl est mort
16 juin 2017Sa santé était chancelante depuis plusieurs années. Helmut Kohl a été chancelier de 1982 à 1998. Membre de la CDU, le parti chrétien-démocrate auquel appartient également Angela Merkel, Helmut Kohl a marqué toute une génération d’Allemands.
Le coup de dés de 1982
Le 1er octobre 1982, Helmut Kohl vit un moment de triomphe.
A la faveur d’une motion de censure dirigée contre le chef du gouvernement précédent Helmut Schmidt, celui qui est alors chef de l’opposition conservatrice est désigné chancelier par les députés ouest-allemands.
Il organise alors des élections législatives anticipées que son parti remporte et se maintient à la tête du gouvernement. Mais ses premières années au pouvoir ne suscitent pas d’engouement démesuré. Beaucoup lui reprochent de ne pas régler les problèmes intérieurs. Helmut Kohl répond aux critiques par de nombreux remaniements.
Des propos malencontreux
Sa visite, en compagnie du président américain Ronald Reagan, d’un cimetière où cohabitent des soldats allemands, américains, et des membres de la Waffen-SS lui attirent aussi de l’antipathie. Comme sa comparaison malheureuse du numéro 1 de l’Union soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, avec le chef de la propagande nazie, Joseph Goebbels. Et pourtant, ce sont justement les politiques de Perestroïka et la Glasnost initiées par Gorbatchev qui profiteront durablement à Helmut Kohl et donneront un coup de pouce à sa carrière. En octobre 1989, c’est la chute du Mur de Berlin.
"Le chancelier de la Réunification"
Helmut Kohl est surpris, comme les autres, par les événements qui se précipitent et scellent la fin de la guerre froide. Le chancelier ouest-allemand est en déplacement en Pologne lorsque des Allemands venus de l’Est déferlent par milliers à l’ouest. Mais Helmut Kohl parvient à reprendre rapidement l’initiative et lance le fameux « plan en dix points » qui vise à réunifier au plus vite les deux Allemagne : la RFA à l’ouest et la RDA à l’est. Mais l’Allemagne réunifiée fait peur et Helmut Kohl doit rassurer ses voisins européens. Il déclare :
« Nous, les Allemands, avons tiré les leçons de l’histoire. Nous sommes un peuple pacifique, un peuple qui aime la paix. Pour nous, notre patrie, la liberté et l’esprit de bon voisinage vont ensemble, pour toujours. »
Quels paysages florissants?
Les années 1989/1990 marquent le zénith de la carrière politique d’Helmut Kohl. En ex-Allemagne de l’est, il est accueilli comme une star. Et c’est à ses compatriotes de l’ex-RDA qu’il promet ce qui restera dans les mémoires :
« Lorsque les mesures juridiques nécessaires seront prises, nous ne ferons pas venir ici des centaines, mais bien des milliers de grands entrepreneurs de République fédérale prêts à investir et, ensemble, avec vous, nous ferons rapidement éclore un pays florissant. »
Ces « paysages florissants » ont marqué les esprits, mais sont restés lettre morte. De nombreux Allemands de l’est ont perdu leur emploi au moment de la disparition de la RDA et n’ont jamais retrouvé de perspective économique ou sociale dans l’Allemagne réunifiée. Beaucoup ont de ce fait tenté leur chance à l’ouest. Il n’empêche que Helmut Kohl reste dans les livres d’histoire comme le « chancelier de la réunification ».
Et l'Allemagne abandonna le D-Mark...
Autre grand moment de la carrière de Helmut Kohl : il a convaincu les Allemands de renoncer à leur monnaie, le Deutsch-Mark, au profit de l’euro, la monnaie européenne commune. Son argument de poids est le suivant :
« L’euro sera une monnaie forte et stable, je n’ai aucun doute là-dessus. »
Helmut Kohl se commue alors en « grand Européen ». Avec le président François Mitterrand, il œuvre en réconciliateur des deux pays qui se sont fait la guerre, et promeut l’intégration politique et économique de la Communauté européenne.
Mais au fil des ans, le système Kohl commence à lasser.
La lassitude et le scandale
A mesure que le chancelier prend de l’embonpoint, ses concitoyens voient de plus en plus en lui un homme de pouvoir. C’est alors qu’un scandale éclate au sein de son parti, le scandale « des caisses noires de la CDU », qui éclabousse un grand nombre de responsables politiques.
En 1998, c’est le SPD social-démocrate qui remporte les législatives, Helmut Kohl doit partir, au bout de 16 ans à la chancellerie, un record. Mais il répète qu’il n’a rien à voir avec les malversations de la CDU :
« Je n’ai jamais rien eu à voir avec les comptes noirs. Je n’ai jamais été informé non plus des développements ultérieurs. Je le réaffirme: je n’ai jamais rien su. »
Cette affaire écorne toutefois l’image de Helmut Kohl. Son parti lui retire son statut de membre d’honneur de la CDU et le contraint de renoncer à son mandat de député. La plainte en justice contre Helmut Kohl est finalement retirée, moyennant un arrangement financier de plusieurs millions d’euros.
Retour en grâce
Son retrait de la vie politique et le décès de son épouse Hannelore, en 2001, lui permettent de redevenir populaire. Il conseille d’ailleurs un temps Angela Merkel, considérée comme sa dauphine politique.
Helmut Kohl reste finalement comme le patriarche symbole de cette génération qui a connu la guerre dans son enfance, sans être directement impliquée, cette génération d’Allemands qui ont réussi à tourner la page de ce pan sombre de l’histoire du pays pour repositionner l’Allemagne au cœur de l’Europe.