Idriss Déby Itno, 30 ans de pouvoir sans partage
20 avril 2021Vainqueur de six élections présidentielles successives, Idriss Déby Itno venait de remporter la dernière, le 11 avril dernier. La Commission électorale avait confirmé sa réélection lundi soir (19.04.2021).
Selon un communiqué lu par l'armée à la télévision d'Etat, "le président de la République, chef de l'Etat, chef suprême des armées, Idriss Déby Itno, vient de connaître son dernier souffle en défendant l'intégrité territoriale sur le champ de bataille. C'est avec une profonde amertume que nous annonçons au peuple tchadien le décès ce mardi 20 avril 2021 du maréchal du Tchad".
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Mort en chef de guerre
Arrivé au pouvoir par les armes en décembre 1990, Idriss Déby Itno a toujours entretenu une image de chef de guerre, aussi bien auprès de ses compatriotes que de ses partenaires internationaux.
Le 11 août 2020, le président tchadien avait été élevé au rang de "maréchal du Tchad", l'aboutissement d'une carrière militaire.
Né en 1952 dans une famille de bergers de l'ethnie zaghawa, Idriss Déby Itno a d'abord servi dans l'armée de la toute nouvelle République du Tchad. Il fréquente l'école d'officiers de N'Djamena avant d'obtenir, en 1976, une licence de pilote professionnel en France.
De retour au Tchad en 1979, il aide Hissène Habré à renverser le président Goukouni Oueddei en juin 1982. Devenu chef des armées adjoint, il complète sa formation en France puis rentre au Tchad en 1986 pour devenir conseiller d'Hissène Habré pour la défense et la sécurité.
Renversement d'Hissène Habré
Une tentative de coup d'Etat manquée, en 1989, contraint Idriss Déby Itno à la fuite au Soudan, puis en Libye. Mais après avoir obtenu l'aide du dirigeant Mouammar Kadhafi contre la promesse de libérer des prisonniers libyens détenus au Tchad, Idriss Déby Itno rentre au Tchad en mars 1990 où il crée le Mouvement patriotique du salut.
Quelques mois plus tard, le 1er décembre 1990, le mouvement rebelle s'empare de N'Djamena et chasse Hissène Habré du pouvoir avec l'aide des services de renseignement français et le soutien de la Libye et du Soudan.
Idriss Déby Itno est désigné président de la République par son mouvement, transformé en parti politique. A ses compatriotes qui ont soif de justice, de liberté et de prospérité, le nouvel homme fort de N'Djamena en treillis promet : "Je ne vous apporte ni or ni argent, mais la démocratie".
Une conférence nationale souveraine (janvier-avril 1993) est organisée afin d'élaborer une nouvelle Constitution et une charte nationale. Cette Constitution, promulguée le 14 avril 1996, prévoit la limitation des mandats présidentiels à deux.
Mais Idriss Déby fait sauter ce verrou constitutionnel en 2004 et rejoint la liste des chefs d'Etat qui veulent rester au pouvoir.
L'"ami encombrant" des Occidentaux
À partir de 1996, Idriss Déby Itno remporte toutes les élections. Il jouit du soutien de la France qui lui prête main forte à plusieurs reprises lors de tentatives de renversement : en 2005, 2006, 2008 et plus récemment en 2019.
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L'"ami encombrant de la France" et des Occidentaux, comme le qualifient nombre d'experts de la région, a su se rendre indispensable à leurs yeux contre les djihadistes. Cela lui a permis d'asseoir un pouvoir sans partage qui n'a pas profité au développement du Tchad.
Idriss Déby Itno avait placé sa famille ou des proches à des postes-clés de l'armée, de l'appareil d'Etat ou économique. Selon ses détracteurs, le président régnait volontiers par l'"intimidation" et le népotisme.
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En dépit de son statut de pays producteur de pétrole, le Tchad demeure parmi les cinq pays les plus pauvres au monde dans l'Indice de développement humain du Pnud, à la 187e place sur 189.