Jean-Bernard Padaré, le porte-voix d’Idriss Déby Itno
24 mars 2021Au Tchad, dans le cadre de la campagne pour l'élection présidentielle du 11 avril prochain, la Deutsche Welle brosse le portrait de quelques jeunes militants de l'opposition et du parti au pouvoir. Vous retrouvez tous ces portraits sur notre site. Dans cet article, celui de Jean-Bernard Padaré.
"Nous, on a besoin de lui, le devoir l’appelle. Et il sera là jusqu’à ce que Dieu décide autrement. Mais tant qu’il est encore là et en bonne santé, au MPS, nous pensons que c’est notre champion et il le restera."
C’était en août 2020, Jean-Bernard Padaré s’exprimait au sujet du président Idriss Déby Itno, avant que ce dernier soit investi par son parti comme candidat à la présidentielle du 11 avril.
La confiance et la loyauté affichées envers le président tchadien illustre bien le degré d’engagement et de dévouement de celui qui est devenu au fil des années l’un des ténors du Mouvement patriotique du salut (MPS) et donc du pouvoir d’Idriss Déby.
L'ascension en flèche
Pourtant rien dans son parcours n’aurait pu laisser prévoir que celui-ci allait se mettre au service d’un régime autoritaire.
Né en 1967 dans le département du Lac Léré, situé au Sud-ouest du Tchad, Jean-Bernard Padaré, avocat de formation, a été au début des années 90 membre de la Ligue tchadienne des droits de l’homme.
Il s’est notamment fait remarquer lors du procès de l’affaire Arche de Zoé qui s’est déroulé en décembre 2007 à N’Djamena et au cours duquel, il assurait la défense de six Français accusés de tentative d’enlèvement d’enfants à Abéché, dans l’est du Tchad.
Mais ensuite Jean Bernard Padaré va se rapprocher du pouvoir. Il a été d’abord avocat de la famille présidentielle puis, tour à tour, ministre des Affaires foncières et du domaine, ministre de la Justice, gouverneur de la région de Batha, dans le centre du pays et secrétaire général de la présidence.
"Il aimait voir les lignes bouger, il mettait assez de pression sur ses collaborateurs pour faire avancer les dossiers. Au cabinet, aucun parapheur ne devait rester plus de 24 heures sans examen. Il convient de dire aussi qu'il avait une excellente connaissance des dossiers et surtout une sensibilité du terrain", a témoigné Serge Abou Ouambi, le directeur de cabinet de Jean-Bernard Padaré lorsqu’il était ministre.
Entre grâce et disgrâce
La roue va tourner pour Jean-Bernard Padaré. Tombé en disgrâce, il sera accusé de détournement de fonds et menace de mort.
En mars 2014, la justice le condamne à douze mois de prison et 1,5 millions de francs d'amende dans l'affaire l'opposant à un commerçant qui l'a accusé de tentative d'escroquerie. Il sera brièvement incarcéré à la prison d’Amsinené, de N’Djaména. Jean-Bernard Padaré tient à le préciser, sa condamnation sera par la suite annulée en appel. Selon Me Athanase, son avocat de l'époque son statut d'avocat et d'ancien ministre n'avait pas été pris en compte lors de son interpellation.
A sa sortie, Jean-Bernard Padaré choisit le chemin de l’exil en France, où vit une partie de sa famille. Mais son exil ne sera pas long et en juillet 2014, celui-ci revient dans les bonnes grâces du président Idriss Déby Itno.
Actuellement, il est le secrétaire général adjoint et porte-parole du Mouvement patriotique du Salut et aussi le chargé de communication du président candidat.
Un engagement sur lequel insiste Abdel Nasser Garboa, le coordonnateur de la cellule de communication du candidat du MPS. Une cellule pilotée par Jean-Bernard Padaré.
"Les disgrâces, les lauriers en politique sont des choses des plus ordinaires, des plus normales. Je pense que le plus important, c'est de retenir que l'homme remplit ses fonctions, ses responsabilités avec beaucoup d'engagement, beaucoup de ferveur, beaucoup de qualité et cela est unanimement reconnu par tous", a estimé Abdel Nasser Garboa.
Mais en étant passé du statut de défenseur des droits de l'homme, d’avocat indépendant et convaincu, à celui de soutien d’un président au pouvoir depuis plus de 30 ans, Jean Bernard Padaré fait l’objet de nombreuses critiques de la part de l’opposition et de la société civile.