La justice américaine se penche sur le clan Sassou-Nguesso
12 avril 2024Claudia Sassou Nguesso pourrait-elle avoir des ennuis avec la justice américaine ? En tout cas, celle-ci s'intéresse de près à un appartement luxueux que le président congolais, Denis Sassou-Nguesso, aurait acquis pour sa fille, dans un complexe hôtelier qui appartient à l'ancien président américain, Donald Trump. Dans le cadre d'une enquête sur la corruption de la première famille du Congo, les procureurs américains veulent désormais faire saisir l'appartement en question.
Luxe au pied du Central Park
Selon la plainte en confiscation déposée le 29 mars par le ministère de la Justice au tribunal fédéral de Manhattan, l'appartement dont il est question est situé dans la célèbre "Trump Tower", en plein cœur de New York.
D'une superficie de 164 mètres carrés, il dispose de deux chambres à coucher offrant une vue plongeante sur Central Park. Piscine, spa et salle de sport font partie des services accessibles aux résidents du gratte-ciel.
Argent détourné
Selon les enquêteurs, ce luxueux pied-à-terre aurait été acheté en 2014 grâce à des fonds publics détournés. Le document long de 15 pages décrit un de sociétés écrans, dissimulées dans des paradis fiscaux et remontant jusqu'au président Denis Sassou-Nguesso qui dirige le Congo depuis 1979, pratiquement sans interruption.
Ces sociétés lui auraient permis de faire sortir près de 20 millions de dollars de la République du Congo - dont sept auraient ensuite été utilisés pour acheter le logement new-yorkais à sa fille, Claudia, qui est aussi sa conseillère.
L'appartement serait toutefois resté inoccupé depuis son achat - même si des charges - un peu plus de 247.000 dollars - ont été réglées entre 2018 et 2022, à partir de comptes bancaires situés au Luxembourg, au Portugal et aux Emirats arabes unis et appartenant à un homme d'affaires portugais, José Veiga, représentant de Claudia Sassou-Nguesso.
Un système complexe et opaque
Au centre de cet énième scandale de détournement de fonds se trouve aussi une société chypriote du nom de Sebrit Ltd, également contrôlée par la fille du président congolais.
Cette société aurait été choisie pour réaliser un projet de cartographie géologique au Congo pour un montant de 19,5 millions de dollars. Dans leur plainte, les procureurs affirment que l'argent, destiné à l'origine aux travaux publics, aurait été siphonné du Trésor congolais par le biais de contrats fictifs et d'entités offshores avant qu'environ un tiers ne soit utilisé pour acheter l'appartement pour "l'enrichissement personnel" de la famille Sassou.
En 2019, l'ONG Global Witness, avait publié un rapport détaillé concernant cette affaire. Il a mis la puce à l'oreille des enquêteurs américains.
Sujet délicat
Ce n'est pas la première fois, loin de là, que le clan Sassou-Nguesso est impliqué dans plusieurs affaires dites des biens mal acquis. En France, la justice se penche depuis une quinzaine d'années déjà sur des soupçons de détournement de fonds publics ayant permis à l'entourage du président congolais de se constituer un patrimoine considérable.
Cela dit, sur place au Congo, le sujet reste délicat à aborder. Un membre de la société civile s'engageant, au Gabon, dans la lutte contre la corruption a décliné notre appel, estimant que cette affaire relevait d'une "ligne rouge" à ne pas franchir et récemment, un député de la majorité a été arrêté pour avoir critiqué la gestion du pays. Depuis le Canada, le collectif Sassoufit dit lui espérer "que le résultat financier de la saisie et de la probable condamnation de Claudia Sassou Nguesso ira effectivement au financement de la société civile congolaise et au renforcement de sa lutte pour l'État de droit et la démocratie".