La constitution tchadienne votée en catimini
30 avril 2018Les députés de la majorité présidentielle ont adopté ce lundi (30 avril) le projet de la nouvelle constitution tchadienne. Ceci sans la présence de leurs collègues de l'opposition qui ont décidé de boycotter la séance. Le projet de cette nouvelle constitution a été vivement critiqué par l'opposition, la société civile et le clergé catholique qui souhaitent que le document soit soumis à un référendum. C'est d'ailleurs sous haute surveillance militaire et policière que les députés ont examiné le texte.
Alors que le parti au pouvoir affirme que le texte a obtenu l'adhésion du peuple à travers le forum national inclusif qui s'est tenu en mars 2018, le régime d'Idriss Déby a néanmoins eu recours à l'armée et à la police pour permettre aux députés de voter ce texte. A la veille de ce vote, l'opposition et la société civile avaient menacé d'investir l'Assemblée nationale pour empêcher la séance de se tenir.
Ces menaces ont été prises au sérieux car les forces de l'ordre ont quadrillé l'Assemblée nationale et les rues principales pour empêcher toute perturbation. Dans la foulée, deux militants de la société civile ont été arrêtés. Parmi les manifestants, l'activiste Remy Gamo. "Ce matin, nous nous sommes rendus au Palais de la démocratie, malheureusement celui-ci a été pris d'assaut par les forces de l'ordre", raconte-t-il.
L'activiste et ses compagnons ont visiblement été tenus à distance. "A un kilomètre, ils ont tout bloqués. Nous avons réussi à franchir leurs barricades, malheureusement des jeunes ont été arrêtés et on n'a pas réussi à faire une action. C'était terrible. Toutes les forces de l'ordre sont mobilisées pour prendre en otage l'Assemblée. C'est un passage en force que le régime veut nous imposer pour revenir à un parti unique et ce n'est pas normal", déplore t-il encore.
Des chefs de l'opposition maîtrisés
Plusieurs chefs des partis politiques d'opposition qui ont effectué le déplacement de l'Assemblée nationale ont été également repoussés par les militaires. Brice Mbaimon, président du Mouvement des patriotes tchadiens pour la République (MPTR) n'est pas d'accord. "Les séances de l'Assemblée nationale sont publiques donc le public à le droit d'assister à ces séances", insiste l'opposant.
D'après lui, c'est depuis la nuit du dimanche que le dispositif sécuritaire s'est mis en place. "On dirait un état de siège qui s'est installé à N'Djamena", s'écrie-t-il.
Les manifestants ont tenté de trouver la parade mais ils n'ont pu forcer toutes les barrières policières.
"Les forces de l'ordre ont bouclé tous les accès à l'Assemblée nationale. Nous avons réussi à nous retrouver devant l'Assemblée mais les services de sécurité nous ont éconduits. Certains d'entre nous qui sont entrés ont été expulsés. Comment une Assemblée nationale qui doit siéger en séance publique peut-elle empêcher que des citoyens s'y rendent?", s'interroge l'homme politique.
Malgré cet impressionnant dispositif sécuritaire, certains députés et ministres se sont rendus le matin sur place à bord de voitures non officielles de peur d'être identifiés. D'autres par contre se sont fait accompagner depuis leur maison jusqu'à l'hémicycle par des militaires.