La dette de 40 pays africains suspendue ... mais pas annulée
16 avril 2020C’est officiel. A l’issue d’une conférence de presse virtuelle ce mercredi (15.04), les ministres des finances du G20 et les autres créanciers bilatéraux ont décidé de suspendre pendant 12 mois, la dette des pays pauvres. Ceci devrait permettre à ces Etats de faire face à la crise économique liée au coronavirus. C’est ce qu’a annoncé le ministre saoudien des Finances. Mohammed al-Jadaan estime que cette décision est à même de soutenir l’économie mondiale et le sytème financier.
Une décision saluée par l’Allemagne qui a aussi qualifié cet acte de "solidarité internationale de portée historique“. Au total, 40 pays africains sont concernés par cette suspension temporaire.
Un coup d'épée dans l'eau
Plusieurs économistes africains jugent cette suspension inefficace. Même si ce moratoire permet aux pays concernés de se concentrer sur la crise sanitaire et d’oublier un peu le fardeau du remboursement de la dette pendant une année, Patrick Mboyo, chercheur à l'université Paris Saclay, estime cependant que cette suspension ne devrait pas aider les pays africains à avoir une meilleure situation financière que celle d’avant le Covid-19.
"En réalité, ce moratoire ne va permettre aux pays africains que de pouvoir disposer de quelques ressources, quelques millions de dollars qui devaient être destinés au service de la dette et de pouvoir les réattribuer vers d’autres dépenses notamment celle relative à la crise de Covid-19", explique le chercheur.
Pour Patrick Mboyo, "la crise de Covid-19 va demander un effort économique beaucoup plus conséquent que l’effort consenti pour le service de la dette. La meilleure façon de trouver un arrangement qui serait gagnant pour les pays européens mais aussi les pays africains c’est d’arriver à trouver un plan d’annulation complète, pas d’annulation massive de la dette."
Selon les chiffres officiels, la dette cumulée des pays africains se chiffre actuellement à 365 milliards de dollars. Mais l’économiste africain Bourlaye Bagayoko du Comité pour l’abolition des dettes illégitimes, à Bamako au Mali, parle lui de plus de 500 milliards de dollars. Un chiffre qui a donc presque doublé, selon l’expert, sous l‘effet, entre autres, de la chute du prix des matières premières et du ralentissement de la croissance économique.
Moratoire inefficace pour l'Afrique ?
Pour Regis Hounkpè, directeur exécutif d'InterGlobe Conseils, un cabinet spécialisé en expertise géopolitique et communication stratégique, la suspension provisoire de la dette des pays pauvres n’est pas efficace.
"L’annulation de cette dette aurait permis au continent africain de faire face davantage aux dépenses et aux urgences sanitaires, aux urgences alimentaires et aussi aux urgences liées au flux migratoire. Le moratoire ne permet que de repousser les échéances mais le problème n'est pas résolu, il subsiste toujours", insiste Regis Hounkpè.
Pour alléger le fardeau de la crise pour les pays pauvres, le FMI est prêt à verser 11 milliards de dollars d'aide à 32 pays d'Afrique subsaharienne qui en ont fait la demande. Le Burkina Faso, le Tchad, le Gabon, le Ghana, Madagascar, le Niger, le Rwanda, le Sénégal et le Togo en ont déjà bénéficié.