La faim - un scandale au 21ème siècle
19 août 2011118 millions d'euros supplémentaires débloqués par l'Allemagne, au titre de l'aide humanitaire mais aussi structurelle - l'annonce en a été faite par Dirk Niebel au Kenya et elle est évidemment relatée par les journaux allemands. Le quotidien Die Welt relève quant à lui que les dons collectés ces dernières semaines auprès des Allemands pour secourir ceux qui souffrent de la faim dans l'est de l'Afrique ont atteint près de 100 millions d'euros. C'est, écrit le journal, une somme gigantesque, qui mérite le respect et qui surtout révèle que ce qui se passe à des milliers de kilomètres ne nous est pas indifférent. Le ministre de la Coopération, note plus loin le journal, aura eu besoin de temps pour comprendre que les famines relèvent de sa compétence. Et que dans des situations comme celle-ci l'attitude froidement économique qu'il veut imprimer à son ministère ne permet pas d'aller bien loin.
Pour la Frankfurter Allgemeine Zeitung, il est scandaleux qu'au 21ème siècle des gens soient menacés de mourir de faim comme cela est le cas actuellement au Kenya, en Ethiopie et en Somalie. Mais c'est un scandale que les gouvernements de ces trois pays doivent eux mêmes s'imputer. Exemple le Kenya: selon la Croix Rouge, trois millions de personnes y sont touchées par la crise alimentaire. Or cela fait huit mois que le chiffre est connu du gouvernement. Le même constat peut s'appliquer à l'Ethiopie. Et la situation y est encore aggravée par l'interdiction de la propriété foncière privée. Les semences sont distribuées par l'Etat, souvent en fonction de considérations politiques. Il est notoire que la plupart des informations sur la faim en Ethiopie proviennent de l'Ogaden, la région rebelle dans l'est du pays. Mais poursuit le journal, dans les deux pays la crise alimentaire est attisée par un phénomène trop souvent ignoré: l'explosion démographique. Au Kenya la population s'accroit de 500 000 personnes par an. L'Ethiopie, avec 80 millions d'habitants est à présent le deuxième pays le plus peuplé d'Afrique après le Nigéria. Parallèllement, la production alimentaire locale végète à un niveau de l'âge de la pierre. L'unique chance de briser le cercle vicieux croissance démographique et diminution des ressources réside dans l'éducation.
Les méfaits de la surpêche
La raréfaction des ressources se fait aussi sentir dans un pays comme le Sénégal. Le poisson diminue dans la consommation locale, un pêcheur sénégalais explique pourquoi dans les colonnes d'un journal allemand. die tageszeitung a rencontré Gaoussou Gueye. C'est le secrétaire général de l'ADEPA, l'Association ouest-africaine pour le développement de la pêche artisanale. Il vient de passer deux semaines en Allemagne, où il a rendu visite à des pêcheurs de la mer du Nord. Et il dénonce le même phénomène, en mer du Nord comme dans les eaux sénégalaises: les zones protégées pour les pêcheurs artisanaux sont trop petites, la limitation des prises n'est pas suffisamment sévère, la transformation du poisson est entre les mains de grands trusts étrangers. Ces mécanismes s'exercent partout. Concernant plus précisément le Sénégal, Gaoussou Gueye estime que la résiliation en 2006, par le Sénégal, de l'accord de pêche avec l'Union européenne, n'a pas servi à grand chose. Les Européens continuent de pêcher sous de faux pavillons sénégalais. Les conséquences de cette piraterie, souligne-t-il, sont pour nous fatales. Le pays ne retire aucun profit de la pêche, au contraire. Le poisson local est devenu pour nous trop cher. Et tout ce qui est exporté est transformé en Europe.
La nouvelle Afrique
Un autre Africain est présenté cette semaine dans la presse allemande. Son portrait s'inscrit dans une série proposée par le Financial Times Deutschland sous le titre "La nouvelle Afrique". Cette nouvelle Afrique, aux yeux du journal, elle est notamment incarnée par Babatunde Fashola, le gouverneur de l'Etat de Lagos, au Nigeria depuis 2007. Cet homme de 48 ans, écrit le Financial Times Deutschland veut transformer la mégapole de 18 millions d'habitants en une métropole africaine moderne, qui offre à ses citoyens la sécurité et des infrastructures qui fonctionnent. Babatunde Fashola, un Yoruba comme la plupart des Lagossiens, est le représentant d'une nouvelle garde de politiciens en Afrique. C'est un technocrate qui exige de ses collaborateurs des résultats et de l'efficacité. Les succès de ces nouvelles têtes - que ce soit au Ghana, au Botswana ou au Nigeria, ont fait dresser l'oreille aux investisseurs. Partout dans Lagos des voies rapides sont construites ou modernisées. Des décharges d'ordures sont transformées en parcs, des conduites d'eau sont posées. Chaque tonne de ciment coulée à Lagos fait grimper la popularité de Fashola. Pour la première fois depuis des décennies, les Lagossiens ont le sentiment que les choses s'améliorent dans leur ville.
Un challenger sérieux pour Joseph Kabila
A l'approche de l'élection présidentielle de novembre prochain en République démocratique du Congo, la presse s'intéresse à un vieux routier de la politique congolaise. Pour certains il est le "Mandela du Congo", pour d'autres il n'est que le "sphinx", lit-on dans Die Welt. A 78 ans Etienne Tshisekedi est aussi populaire qu'énigmatique. Beaucoup d'espoirs reposent sur lui. Tshisekedi passe pour le principal challenger du président sortant Joseph Kabila. Par rapport à l'autoritarisme grandissant de Kabila, poursuit le journal, il incarne des valeurs démocratiques et l'espoir qu'un nouveau chef de gouvernement pourra mettre un terme à la corruption, la pauvreté et la violence dans le pays. Die Welt rappelle que Tshisekedi a été ministre sous Mobutu dans les années 70, puis qu'il a rompu avec lui et a été jeté en prison en 1980. Tshisekedi souligne aussi le journal est depuis des années le premier candidat sérieux de l'opposition à ne pas être recherché pour crimes de guerre. Cela permet d'espérer. Mais il a aussi ses détracteurs, qui lui reprochent son caractère autoritaire. Cela pourrait compromettre la coopération avec les autres candidats de l'opposition, coopération sans laquelle une victoire électorale contre Kabila est sans doute impossible.
Auteur: Marie-Ange Pioerron
Edition: Fréjus Quenum