La RDA et la catastrophe de Tchernobyl
21 avril 2011Les autorités n'étant pas des as en matière de transparence de l'information, les Allemands de l'Est n'apprendront que deux jours après l'explosion, le 28 avril, ce qui s'est passé. Peu avant 20h, la télévision officielle annonce :
"Selon l'agence TASS un accident s'est produit dans la centrale nucléaire de Tchernobyl en Ukraine. L'un des réacteurs a été endommagé. Des mesures ont été prises pour limiter les conséquences de l'avarie. Les victimes recoivent de l'aide"
Cette dépêche de l'agence de presse moscovite TASS ne vient que confirmer officiellement les bruits qui courent déjà depuis des heures dans les médias occidentaux auxquels les Allemands de l'Est ont accès. Dans les jours qui suivent, ils obtiennent d'ailleurs plus d'informations par la télévision ouest-allemande et même par la presse soviétique que par l'intermédiaire de leurs propres médias, soumis à la censure des autorités. "Le nucléaire soviétique, une qualité incomparable" disaient les experts est-allemands, qui réussissaient l'exploit de faire mieux que leurs homologues soviétiques pour minimiser la catastrophe. Quatre jours après l'accident - dû, comme on l'apprendra plus tard, à un système de sécurité défaillant, combiné à une série d'erreurs humaines - Karl Lanius, éminent physicien nucléaire donne son avis sur la question :
"Les conditions de sécurité - que nous connaissons bien - nous permettent de dire que les soi-disant défaillances des systèmes de sécurité, les erreurs humaines, ou je ne sais quoi d'autre encore, tout cela n'est qu'une basse campagne de diffamation"
Quant aux mesures de radioactivité effectuées par les autorités, elles restent confidentielles, y compris pour le physicien Sebastian Pflugbeil dont les positions critiques vis-à-vis du nucléaire lui valent quelques ennuis avec les services secrets est-allemands
"Les autorités étaient complètement obsédées par les mesures, plus même qu'à l'Ouest. Mais ces mesures n'étaient pas rendues publiques. Le gouvernement savait par exemple très bien que le lait produit dans le secteur de Cottbus - qui était la région d'où Berlin tirait la majorité de ses approvisionnements en lait - le gouvernement savait très bien que ce lait était contaminé. Les rapports se terminaient cependant toujours par un laconique "il n'est pas nécessaire d'informer la population ou de prendre de quelconques mesures"
Dans un premier temps, les ménagères s'étonnent de voir tout d'un coup des étals de fruits et légumes foisonnants. Puis, la population apprend par l'intermédiaire de la radio ouest-allemande que la République fédérale d'Allemagne a interdit les importations de ces produits. A partir de là, nombreux sont ceux, en RDA, qui font une croix sur les légumes et ne donnent plus de lait frais à leurs enfants. Dans certaines cantines en revanche, on servira à ces derniers des salades contaminées, impossibles à écouler.
Auteurs : Konstanze von Kotze / Bernd Gräßler
Edition : Sébastien Martineau