La Turquie d'Erdogan lorgne sur l'Afrique
1 mars 2018Algérie, Mauritanie, aujourd'hui Sénégal et demain Mali : le président turc Recep Tayyip Erdogan poursuit sa tournée en Afrique.
Mercredi, à Nouakchott, il a annoncé une contribution de la Turquie de quatre millions d'euros pour financer la force militaire du G5-Sahel. Mais plus que militaires, les visées du voyage de Recep Tayyip Erdogan sur le continent africain sont surtout d'ordre économique.
Quand la construction va...
Au Sénégal, par exemple, de grandes entreprises turques telles que Summa ou Limak réalisent des chantiers prestigieux comme celui de l'aéroport Blaise Diagne à Dakar, ou le Palais des sports bientôt terminé. Les investissements de l'agence turque de développement TIKA sont importants, aussi, dans l'agriculture ou la santé.
Depuis qu'il a été élu en 2003, le président turc s'attache à renforcer les liens avec l'Afrique, considérée comme un marché important, en ouvrant de nouvelles ambassades et de nouvelles liaisons desservies par la compagnie Turkish Airlines dans une cinquantaine de villes africaines, puis des écoles Gülen jusqu'à la moitié des années 2010.
"Les deux alliés [Erdogan et Gülen] sont devenus des frères ennemis alors Ankara essaie de remplacer ces réseaux gülenistes par d'autres moyens d'influence", analyse Samim Akgönül, historien et politologue à l'Université de Strasbourg (Cliquez sur la photo en haut de l'article pour écouter l'entretien complet).
Diversion de la crise interne turque
La crise politique interne que traverse la Turquie, en plus de la guerre en Syrie dans laquelle l'armée turque est impliquée directement, rendent d'autant plus urgente la recherche de nouveaux partenaires.
La Turquie d'Erdogan a notamment besoin de nouveaux alliés économiques et "espère s'implanter dans le groupe des puissances" concurrentes comme la Chine, les Etats-Unis ou la France en Afrique, poursuit Samim Akgönül. La Turquie est d'ailleurs devenue un "partenaire stratégique" de l'Union africaine et jouit du statut de membre non régional de la Banque africaine de développement (la BAD).
Le président Erdogan rappelle souvent les relations historiques de l'empire ottoman avec le Maghreb ou la Corne de l'Afrique. Il prône le "gagnant-gagnant" et joue la connivence entre pays à majorité musulmane, en opposition avec le paternalisme reproché à certaines puissances ex-coloniales. Bref, la Turquie mise sur le "soft power".