La Turquie hésite à créer une "zone-tampon" en Syrie
25 novembre 2011La Syrie a un délai supplémentaire jusqu'à vendredi soir pour répondre à l'ultimatum de la Ligue arabe, mais c'est vers Ankara que tous les regards sont tournés, avec cette question centrale : la Turquie est-elle prête à intervenir en Syrie ?
Ce matin, le chef de la diplomatie turque a assuré que son pays était disposé à agir avec la Ligue arabe, si jamais Damas ne répondait pas à l'ultimatum par des signes de détente probants. Ahmet Davutoglu assistera en ce cas à la réunion de la Ligue arabe dimanche, et continuera ses pourparlers avec l'Union européenne, l'OTAN et l'ONU pour sortir de l'impasse syrienne. La crise a déjà fait plus de 3500 morts selon l'ONU, depuis le début des protestations à la mi-mars.
La Turquie dans une position délicate
Même si Ankara prend ses distances depuis quelques mois, la Turquie a été très proche du régime de Damas. Par ailleurs, la proximité géographique, elle, ne change pas. La Turquie a d'ailleurs accueilli déjà des Syriens qui ont fui les violences, dont un groupe de militaires déserteurs, l'Armée syrienne libre.
Les Frères musulmans syriens ont appelé Ankara à intervenir, estimant qu'une telle intervention serait plus « acceptable » par la population civile qu'un scénario occidental à la libyenne.
Quel appui extérieur à une intervention?
Pas question pour la Turquie d'envoyer des troupes en solo. Celles-ci en effet risqueraient de s'embourber dans un conflit qui, de plus, pourrait déborder sur son propre sol, voire encourager des velléités indépendantistes chez les kurdes de la région.
Un compromis envisagé en ce moment par la Turquie serait d'établir une « zone-tampon » côté syrien, agrémentée d'une exclusion aérienne et de la fermeture de la frontière entre les deux pays. Cela présenterait de multiples avantages pour Ankara, qui pourrait ainsi limiter les frais, cantonner le terrain des hostilités au territoire syrien, éviter un afflux massif de réfugiés et étrangler économiquement le régime de Bachar el-Assad.
Mais pour ce faire, la Turquie a besoin, encore une fois, d'un aval international. C'est là qu'elle se heurte notamment aux réticences chinoises et russes, qui font blocage au Conseil de sécurité. Et, pour garantir l'efficacité d'une telle « micro-intervention » , il faudrait sans doute aussi une aide logistique de l'OTAN, au risque de voir se coaliser en face les alliés traditionnels de la Syrie – notamment le Hezbollah et l'Iran, ce qui ne serait pas forcément une bonne nouvelle pour la paix dans la sous-région.
Ahmet Davutoglu, le chef de la diplomatie turque, regrette le silence de Damas à l'ultimatum. Il n'en reste pas moins qu'une intervention turque en Syrie est improbable, contrairement à ce qui s'était passé en Libye.
C'est ce qu'explique ci-dessous Samim Akgönül, historien et politologue, enseignant aux universités de Strasbourg et Istanbul.
Auteur: Sandrine Blanchard
Edition: Anne Le Touzé/Jean-Michel Bos