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Lampedusa compte ses morts

Georges Ibrahim Tounkara4 octobre 2013

Plus de cent morts, deux cents disparus et une centaine de rescapés, le naufrage de ce jeudi sur les côtes italiennes, est sans doute l'une des plus grandes tragédies de l'immigration. Mais qui sont ils, ces naufragés ?

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Image : picture-alliance/dpa

Au moins une centaine de morts, autant de disparus, le naufrage de ce jeudi a provoqué une onde de choc aussi bien en Italie qu'ailleurs dans le monde. Difficile en effet de rester indifférent face à ces images montrant des dizaines de corps recouverts de linceuls verts, et au nombre desquels des enfants et des femmes enceintes. En dépit du mauvais temps, les recherches se poursuivent pour retrouver des survivants, une centaine ont déjà été sécourus. Mais, pour beaucoup d'observateurs, comme Ferrucio Pastore, représentant à Turin en Italie du Forum européen pour la recherche sur l'immigration, ce drame était prévisible. L'homme dit par ailleurs ne pas être surpris que des milliers d'Africains tentent chaque jour de joindre l'Europe :

« C'est malheureusement une vieille histoire. Les chiffres baissent quand la coopération est plus efficace avec les pays d'origine et les pays de transit des réfugiés. Et les chiffres montent de nouveau pour les raisons évidentes : à cause de l'instabilité et des conflits dans les pays de départ»

Somalie et Érythrée

Selon le HCR, le Haut commissariat de l'Onu aux refugiés, environ 8.400 migrants sont arrivés sur les côtes Italiennes et de Malte, rien qu'au premier semestre 2013. On ne sait pas combien par contre ont trouvé la mort pendant la traversée de la méditerranée. Et parmi les passagers de l'embarcation d'hier, se trouvaient de nombreux Somaliens et Érythréens. Pourquoi surtout des ressortissants de ces deux pays ? La réponse de Abba Musse de l'organisation non-gouvernementale Agence Abesha à Rome :

Flüchtlingsdrama vor Lampedusa, Italien
La majorité des victimes sont de la Somalie et de l'ErythréeImage : picture-alliance/dpa

« Depuis 1994 la Somalie est totalement hors contrôle, toujours en guerre. En Érythrée, c’est la dictature qui règne. Certains appellent même ce pays la Corée du Nord de l’Afrique. Il n’ya aucune liberté en Erythrée. Tous ces gens sont à la recherche d’une nouvelle vie, de la liberté, de la démocratie, d’un autre avenir. »

Abba Musse dénonce par ailleurs les politiques restrictives mises en place en Europe :

«Si les pays européens veulent réellement lutter contre les passeurs et les trafiquants d'être humains, il n’ya qu’une seule voie. C’est d’ouvrir les portes de l’Europe aux demandeurs d’asile afin qu’ils empruntent les voies légales. Mais depuis dix ans, la politique européenne a été de fermer les portes de l’Europe. Et si vous fermez les portes, ils viendront par les fenêtres.»

Critiques envers Frontex

Le naufrage de Lampedusa suscite également des réactions chez les organisations africaines de lutte contre la politique migratoire de l'Europe. Elles accusent toutes Frontex - l'Agence européenne de surveillance des frontières - dont la politique répressive pousse les immigrés subsahariens à se lancer dans des traversées trés risquées. Ecoutez Ousmane Diarra, président fondateur de l'association malienne des expulsés.

Ousmane Diarra, président fondateur de l'association malienne des expulsés

On aurait pu « éviter ces morts », a estimé pour sa part le rapporteur spécial de l'ONU sur la protection des migrants François Crépeau, qui a mis en cause « la criminalisation de l'immigration clandestine ». « Traiter l'immigration clandestine uniquement par des mesures répressives est susceptible de provoquer ces tragédies », a-t-il déclaré à la presse. Quant au réseau d'ONG Migreurop à Paris, il estime qu’en vingt ans, 17.000 migrants sont morts en tentant de rallier l'Europe.

Le pape François a affirmé de son côté, ce vendredi, qu' « aujourd'hui est une journée de pleurs », à l'occasion de la journée de deuil décrétée en Italie pour la tragédie de Lampedusa. Très ému, le pape a dénoncé « l'indifférence à l'égard de ceux qui fuient l'esclavage, la faim pour trouver la liberté, et trouvent la mort » comme ce jeudi à Lampedusa.