Le Prix de la paix pour Boualem Sansal
9 juin 2011Le Prix de la paix des libraires allemands est avec le prix Büchner le plus grand prix de littérature en Allemagne. Il sera décerné le 16 octobre prochain à Boualem Sansal, en clôture de la Foire du livre de Francfort, le plus grand salon mondial de l'édition.
Un soutien à la démocratie au Maghreb
L'organisation des libraires allemands, qui décerne le prix, entend par cette récompense apporter son soutien au mouvement pour la démocratie en Afrique du Nord.
Joli choix que celui du jury, parce que Boualem Sansal a beaucoup risqué dans sa vie d'écrivain pour dénoncer notamment la corruption en Algérie. Haut fonctionnaire au ministère de l'industrie algérien, il est limogé en 2003 pour avoir notamment critiqué la politique d'arabisation trop poussée, selon lui, dans l'éducation. Dans « Le village de l'Allemand », son dernier livre paru en 2008, un an plus tard en Allemagne, il s'attaque à un autre sujet sensible : le silence des arabes sur l'holocauste :
« J’ai été effaré de constater que cette question est totalement niée dans le monde musulman. On n’y croit pas. On dit que c’est une manipulation des juifs, que oui, il y a eu extermination, mais enfin pas aussi massive que cela, et que c’étaient des dégâts collatéraux de la Seconde Guerre mondiale. »
Apathie des Européens
Autre sujet, très délicat lui aussi, au cœur de l'œuvre de Boualem Sansal : l'immigration. Dans « Harraga », il décrit le sort des jeunes sans emploi dont le vœu le plus cher consiste à traverser la Méditerranée dans l'espoir d'un avenir meilleur. L'écrivain algérien dénonce l'apathie des gouvernements européens et le manque de solidarité à l'égard du continent africain :
«La solution, elle est connue de tout le monde. Si les pays occidentaux, les Européens, veulent tarir la source de l’immigration clandestine, il faut agir sur les gouvernements africains et les gouvernements du Maghreb, pour que ces jeunes n’aient plus de raison de fuir leur pays : rétablir la démocratie, essayer de faire du développement dans ces pays pour que ces jeunes aient du travail, puissent étudier, vivre dans leur pays. Lorsqu’un être humain se sent en situation de danger, il est légitime pour lui de chercher un endroit où il puisse se mettre à l’abri.»
Pour Boualem Sansal, le Prix de la paix arrive au bon moment. Il est temps, souligne-t-il, que les pays du nord manifestent leur soutien non plus aux dictateurs, mais bien au peuple, avide de démocratie.
Auteur : Carine Debrabandère
Edition : Georges Ibrahim Tounkara